Annientare/anéantir de Michel Houellbecq

Annientare  de Michel Houellebecq Espérance à l’Italienne

By TV83.info -Déc 23, 20210

Un « ami » transalpin connaissant mon admiration pour l’écrivain que je considère comme un des plus importants de sa génération, m’a fait parvenir, sous le manteau, la traduction italienne d’Anéantir, Annientare  le dernier roman fleuve de Houellebecq (65ans). Un cadeau de Noël que je veux partager avec les amis de TV83.

En France, anéantir, ce livre entouré de mystère et d’embargo journalistique, sera en vente le 7 janvier chez Flammarion. La  casa éditrice italienne « La nave di Teseo » mettra également en vente ce gros pavé de 752 pages (736 en français) le même jour  dans la  belle traduction de Milena Zemira Ciccimarra. Au-delà des Alpes Houellebecq est très apprécié par les lecteurs italiens qui le voyaient déjà nobelisé cette année.

Qualité d’impression
J’ai dévoré le roman avec gourmandise entre deux Chianti et des spaghetti alle vongole. Sans déflorer les détails de cette épopée apocalyptique contemporaine, je ferais trois remarques à propos du texte italien Annientare.

On est surpris par la qualité d’impression du texte, sans doute surveillée de près par l’auteur lui-même dans les moindres détails typographiques comme dans la qualité du papier « qui ne jaunira pas dans le temps. » Couverture rigide à l’allemande avec marque-page. Que ce soit pour Flammarion ou pour la Nave di Teseo l’impression a été confiée à l’entreprise italienne typographique de Varese. Un régal de lecture.

Prudence et Paul
C’est le livre le plus long et le plus puissant de Houellebecq. Une architecture narrative chorale et pseudépigraphique (parler par l’intermédiaire cachée de valeurs plus anciennes) avec de nombreux personnages dont deux semblent au cœur de cette épopée désespérée du monde industriel post moderne.  Prudence une femme de lumière et  dernière forme de résistance dans la vie du protagoniste principal Paul. On reconnaîtra facilement les thèmes  chers à l’auteur de Soumission : la décadence collective et le désespoir individuel, l’inutilité de la révolte, ce que l’on a pu définir comme la tentation du vide.

Un sursaut latin à la décadence
Pourtant, à la lecture italienne du livre, on trouvera quelques raisons d’un sursaut possible. Le style narratif homilétique peut être perçu comme celui d’un roman mystique. Comme styliste l’auteur à tendance à être verbeux. Fréquemment il se perd dans des allégories et souvent il devient confus, mais à plusieurs reprises, une profondeur cachée et  parfois  étonnante s’ouvre à nos yeux et nous nous trouvons en face d’une vue réelle et pénétrante. Le style tortueux en d’autres occasions, s’éclaire alors d’une magnifique clarté d’expression, d’un symbole significatif de ce monde dont l’écrivain a  intimement pénétré les régions cachées.

Peut-être est-ce à cause de cette spécificité de la culture italienne, qui a toujours su rebondir sur ses propres débris que Annientare apparaît comme une lueur au bout du tunnel.

Il est symptomatique que la sœur latine de la France, toujours-au-bord-du-gouffre-sans-jamais-tomber, lance un message que le cartésianisme parisien ferait bien de  mieux décrypter. Ce grand livre en annonce les prémisses. Quod vitae sectabor iter ? Quel chemin de vie prendrai-je ?

Jean-François Principiano
Professeur d’Histoire des classes européennes italien