Le comte Ory

1828


Farce lyrique en deux actes de Eugène Scribe et Délestre-Poirson d’après un fabliau du Moyen Age.

Il y a deux Rossini avant et après l’établissement à Paris. Quant il s’y fixe avec son interprète sur mesure Isabella Colbran, il a trente ans et l’animal de scène dont il était le type parfait va, sinon décliner du moins prendre un autre chemin, une évolution stylistique se dessine. La production ralentit et il se met à penser la musique en langue française. Ce n’est pas une mince affaire. Gluck s’y était essayer avec succès, Rossini y parviendra vite, lui qui a l’art de saisir au vol le rythme verbal d’une phrase, et, à partir de ses éléments de produire du vif argent.
En 1828, l’Académie Royale de musique créait « le Comte Ory » avec le concours de deux monstres sacrés de l’époque : le ténor Nourrit et Madame Cinty-Damoureau.
L’œuvre sera jouée 400 fois jusqu'à 1884. Puis ce sera une longue éclipse.
Quant on la reprendra en 1969 salle Favart, la critique sera plus que chaleureuse. Sur le plan de l’inspiration comme sur celui du travail harmonique et rythmique, « le Comte Ory » est supérieur au « Barbier de Séville » . C’est ce qu’ écrit Antoine Goléa, qui souligne que Rossini a écrit ici son unique opéra comique français « mariant le brio et les ornements de l’école italienne avec le charme de l’école française ».
Il est vrai que dés le premier air, « Que les destins prospères » l’effet est surprenant.
Sans doute les personnages sont des fantoches : un libertin déguisé en ermite s’introduit dans un château de Tourraine dont le seigneur est parti pour la croisade . Mais il y a la comtesse ! Alors va se nouer une histoire leste mais sans gaillardise jusqu’au retour des croisés.
Rossini qui a toujours eu l’art « d’utiliser les restes » avait prélevé plusieurs morceaux d’une somptueuse cantate scénique écrite pour le sacre de Charles X « le Voyage à Reims » pour huit morceaux brillants dans une orchestration riche et sonore.
Soyons comme Berlioz positivement envoûté pour l’avant dernière grande partition du maître de Pesaro :
« Il y a là, écrit Berlioz dans ses Mémoires, des collections de beautés diverses qui suffiraient à faire la fortune, non pas d’un seul mais de deux ou trois opéras… » Le Trio « A la faveur d’une nuit obscure » est un pur chef d’œuvre.