Offenbach et les Contes d'Hoffmann
Préparation aux Lyriades 1999
Le conte et le rêve chemins du merveilleux
Offenbach roi du second empire
L'uvre littéraire et la vie d'Hoffmann
Hoffmann musicien et musicologue
La genèse des Contes d'Hoffmann
Les Contes d'Hoffmann racontés aux enfants
dossier préparé par Guy
Verdier
textes de Alain Paris, Michel François Demet, René Erville
Les Lyriades 1999 de l'association Operavenir Culture Nouvelle
seront consacrées a une uvre à la fois populaire et rare,
l'unique opéra de Jacques Offenbach " les Contes d'Hoffmann
" tout empreint du romantisme allemand si cher à l'Europe
du milieu du XIX° siècle.
Pour la plupart des mélomanes, qui dit Jacques Offenbach, dit
joie légère, jaillissement irrésistible, champagne en musique.
On serait porté à conclure que ce musicien a traversé la vie
parisienne comme un aimable prestidigitateur, escorté d'une
salve ininterrompue de bravos.
Cette vue de l'esprit ne correspond pas entièrement à la
réalité. Les réussites, les triomphes, la gloire, la
fortune
.certes Offenbach en a eu sa part généreuse et
pourtant, ce qu'il voulait vraiment , cette consécration
définitive où le succès populaire s'accompagne de l'estime
d'une élite musicale, les compositeurs et les critiques les plus
respectés de son époque la lui ont généralement refusé.
Le couronnement de cette étonnante carrière a été célébré
à titre posthume. Epilogue particulièrement mélancolique si
l'on songe qu'Offenbach le pressentait, le préparait même avec
ces " Contes d'Hoffmann " qui ont plus que toute autre
uvre assurés la permanence du compositeur. Ces "
Contes d'Hoffmann ",où Jacques Offenbach voulait démontrer
enfin à ses pairs qu'il n'était pas seulement un maître de la
frivolité bouffonne, il ne put en savourer le triomphe. Miné
par la maladie, le diabète, perclus de rhumatismes et de goutte,
c'est tout juste s'il parvint à terminer son uvre
maîtresse, il s'éteignit avant d'avoir pu en réaliser
l'orchestration (sauf le 3° acte et trois morceaux séparés
dont la fameuse barcarolle).
Il savait sa fin proche. Cette salle de l'Opéra Comique où il
n'avait jamais remporté de succès, il savait maintenant en
avoir la clef. Il se tuait au travail pour arriver à temps,
pressant le directeur autant que lui même " Dépêchez vous
", lui disait il, "dépêchez vous de monter ma pièce
! Je suis pressé, on m'attend la haut ! "Ce fut un
rendez-vous manqué.
Jacques Offenbach le savait-il ? Question oiseuse, mais qu'un mot
étrange nous met à l'esprit. Un de ses meilleurs interprètes,
le " comique " Léonce, s'était rendu à la demeure du
maître pour s'enquérir de sa santé. Le concierge éploré lui
communiqua la mauvaise nouvelle : " Monsieur Offenbach est
mort doucement sans s'en apercevoir
" " Ah
.
Fit gravement Léonce " il sera bien étonné quand il s'en
apercevra !
"De fait quand on songe à la rage de
travail qui dévorait alors le musicien " pressé ", on
serait tenté de voir là plus qu'une boutade involontaire, comme
si Offenbach, même dans l'au-delà, parachevait encore son
uvre dernière dont dépendait tant de choses.
Reynaldo Hahn nous l'a décrit durant ses derniers jours : "
Il n'a pas durant trente jours cessé de travailler un jour, une
heure, de travailler sans cesse, sans repos, en mangeant, en
parlant, en voyageant, en souffrant. Dans le coupé qui le
conduisait de la rue Laffitte à la salle de répétitions, il
avait fait aménager un pupitre pour pouvoir travailler pendant
le trajet. " Qui ne verrait là une lutte émouvante,
désespérée, contre la mort qui allait le gagner de vitesse,
une lutte pour l'enjeu le plus précieux :non pas un nouveau
succès (il en avait connu tant), non pas la fortune (sa
situation matérielle lui permettait le repos), mais la
consécration, l'admission au rang des immortels ? Encore une
fois, ce baume vint trop tard.
Saint-Saens, qui naguère affirmait que la postérité ignorerait
Offenbach, dut bientôt réviser son jugement. Ernest Reyer, qui
n'aimait pas Offenbach, écrivit après la première des "
Contes d'Hoffmann " à propos du trio du dernier acte :
" Il faut être autre chose qu'un musicien d'opérette pour
écrire une page de cette valeur. Ces notes bouchées du cor, qui
marquent les battements rapides du pouls d'Antonia, sont une
véritable trouvaille. Je doute-ai-je écrit quelque part, il y a
bien des années déjà, je doute qu'une uvre sérieuse
sorte jamais de la plume qui a écrit les excentricités d'
" Orphée aux Enfers " et de " la Belle Héléne
". Eh bien ! je me suis trompé. "
La postérité s'est montrée plus généreuse encore que Reyer
:elle a reconnu aussi la permanence de certaines opérettes, ne
voyant pas pourquoi la musique nierait que le rire est le propre
de l'homme. Mais les " Contes d'Hoffmann ",ce point
final de la vie d'Offenbach, demeurent aussi son uvre la
plus accomplie, et comme une synthèse d'une personnalité où la
verve parisienne s'ajoutait au romantisme allemand.
René Erville
Le nom d'Offenbach est indissociable de la forme musicale de
l'opérette. Même s'il s'agit d'un genre dont il s'est
progressivement détaché et qui n'est pas associé à ses plus
grands succès, il en reste le créateur. Doué d'une étonnante
invention mélodique, il sait rire et faire rire en musique car
il observe et élabore, aidé de ses librettistes, des
caricatures parfaites. Sa musique est divertissante mais elle
réclame de ses interprètes une grande attention, car elle est
difficile à restituer dans son authenticité. Pendant trop
longtemps, elle fut l'apanage de "spécialistes" qui,
vivant de traditions, portent de lourdes responsabilités dans la
désaffection du public pour ce qui devenait un genre mineur et
vieillissant.
À l'occasion du centenaire de la mort d'Offenbach, un nouveau
courant s'est cependant dessiné, qui a remis en cause les
traditions désuètes et les mutilations subies par ses ouvrages:
la vieille passion du public français revit depuis lors.
La passion du théâtre
De son vrai nom Jakob Eberst, Jacques Offenbach
naît à Cologne le 20 juin 1819. Son père est un cantor de la
synagogue. Il lui enseigne des rudiments de violon. Mais Jakob se
tourne vers le violoncelle, qu'il vient étudier à Paris. Il
adopte le nom de la ville d'Offenbach-sur-le-Main, berceau de sa
famille. En 1833, il est admis au Conservatoire de Paris dans la
classe d'Olive-Charlier Vaslin, qu'il quitte après un an
d'études. Il est alors violoncelliste à l'Ambigu-Comique puis
à l'Opéra-Comique, où il découvre le théâtre. Pour gagner
sa vie, il compose des valses et joue dans les salons,
accompagné au piano par son ami Friedrich von Flotow.
Mais le théâtre seul le passionne. Ses premiers essais sont
autant d'échecs. En 1844, il épouse Herminie d'Alcain.
La chance lui sourit une première fois en 1850, lorsque Arsène
Houssaye l'engage comme chef d'orchestre à la
Comédie-Française. "Pendant les cinq années où je restai
au Théâtre-Français, devant l'impossibilité persistante de me
faire jouer, l'idée me vint de fonder moi-même un théâtre de
musique. Je me dis que l'Opéra-Comique n'était plus à
l'opéra-comique, que la musique véritablement bouffe, gaie et
spirituelle, la musique qui vit enfin, s'oubliait peu à peu. Les
compositeurs travaillant à l'Opéra-Comique faisaient de petits
grands opéras . Je vis qu'il y avait quelque chose à faire pour
les jeunes musiciens qui, comme moi, se morfondaient à la porte
du théâtre lyrique."
Des Bouffes-Parisiens à l'Opéra-Comique
L'occasion se présente en 1855 lors de
l'Exposition universelle: Offenbach obtient, sur les
Champs-Élysées, à côté du palais de l'Industrie, la
concession d'un petit théâtre, qu'il baptise Bouffes-Parisiens.
D'emblée, la bouffonnerie du compositeur enivre un public
affamé de plaisir. Au mois de décembre, les Bouffes
s'installent dans le théâtre du passage Choiseul. Une
autorisation ministérielle permet à Offenbach de diriger les
nouveaux Bouffes-Parisiens pendant cinq ans. Ses pièces ne
doivent compter qu'un acte et quatre personnages au maximum. Il
présente Der Schauspieldirektor de Mozart et organise un
concours d'opérette remporté ex aequo par Georges Bizet et
Charles Lecocq, tous deux auteurs d'un Docteur Miracle .
Mais les contraintes de la censure l'étouffent. Croquefer (1857)
lui permet de tourner la difficulté en faisant intervenir un
cinquième personnage, muet, qui s'exprime en brandissant des
pancartes! Rapidement, Offenbach se voit délivré de cette
réglementation absurde et vole vers des ouvrages à grand
spectacle. Le succès d'Orphée aux enfers (1858) arrive à point
nommé pour l'arracher à des créanciers embarrassants, car sa
gestion est assez catastrophique. Son vieux rêve resurgit alors;
il sollicite à nouveau les directeurs des théâtres impériaux
et, cette fois, obtient satisfaction: en 1860, l'Opéra présente
son ballet Le Papillon , que danse Emma Livry, et
l'Opéra-Comique monte Barkouf ; deux échecs qui ne le
guérissent pas. En 1863, à l'Opéra de Vienne, il donne Die
Rheinnixen , opéra romantique en trois actes (où figure le
thème qui deviendra celui de la barcarolle des Contes d'Hoffmann
), et, à nouveau, s'égare hors de son domaine...
La Belle Hélène (1864) le ramène à la réalité: il continue
d'exploiter la veine mythologique et construit un rôle sur
mesure pour Hortense Schneider. Cette grande actrice, qu'il a
engagée pour la première fois en 1855 dans Le Violoneux ,
devient sa tête d'affiche: La Vie parisienne (1866), La
Grande-Duchesse de Gerolstein (donnée en 1867, à l'occasion de
l'Exposition universelle) et La Périchole (1868) sont écrites
pour elle. Cette époque est particulièrement faste pour
Offenbach, qui a trouvé en Henri Meilhac et Ludovic Halévy des
librettistes complices. Deux nouvelles tentatives à
l'Opéra-Comique - Robinson Crusoé (1867) et Vert-Vert (1869) -
précèdent Les Brigands (1869), où les bottes des carabiniers
annoncent l'arrivée des Prussiens. Cette période est difficile
pour Offenbach, attaqué de tous côtés: bien qu'il soit
naturalisé français depuis 1860, les Français l'accusent
d'être prussien de cur et d'avoir composé des hymnes
patriotiques pour l'empire allemand en 1848, et les Allemands
trouvent dans son uvre des attaques contre son pays natal!
La chute du second Empire est un peu celle d'Offenbach. Les
mentalités changent. Le plaisir et la frivolité cèdent le pas
à un nouvel ordre moral qui veut effacer les souvenirs; la
popularité d'Offenbach décline; pour la IIIe République, il
est devenu le "grand corrupteur". Il va d'échec en
échec. Il remanie ses grands succès d'autrefois pour en faire
des productions grandioses et faire rêver le public. En 1873, il
prend ainsi la direction du Théâtre de la Gaîté; mais sa
gestion est toujours aussi déficiente et, deux ans plus tard,
c'est la faillite. En 1876, il entreprend aux États-Unis une
tournée, triomphale, qui assainit sa situation financière.
L'Exposition universelle de 1877 est l'occasion d'un sursaut,
mais son projet de pièce féerique ne voit même pas le jour.
Son centième ouvrage, La Fille du tambour-major (1879), lui
permet de renouer avec le succès. Il est bien davantage occupé,
cependant, par Les Contes d'Hoffmann , que Carvalho s'engage à
monter à l'Opéra-Comique; mais la mort l'empêchera de mener à
terme son premier ouvrage sérieux et d'importance (Ernest
Guiraud en complétera l'orchestration et les récitatifs), qui
deviendra l'une des pièces maîtresses du répertoire lyrique
français.
Le père de l'opérette
Dans l'histoire de la musique, Offenbach est un
cas. Né pour divertir, il adapte les formes de la musique à ses
objectifs. Après quelques essais baptisés vaudeville,
pantomime, anthropophagie ou bouffonnerie musicale, le mot
opérette apparaît en 1855, pour qualifier une forme lyrique
dérivée de l'opéra, courte, gaie et entrecoupée de dialogues.
C'est l'époque de la création des Bouffes-Parisiens: elle voit
la naissance d'une vingtaine de pièces en un acte, d'essence
satirique, mettant en scène des personnages de la vie courante,
sans trop s'attaquer aux grands de ce monde. Mais Offenbach voit
plus loin et la forme évolue pour devenir le digne successeur de
l'opera-buffa italien. L'opéra-bouffe est plus ambitieux que
l'opérette: il comporte des intrigues plus consistantes, une
satire des valeurs établies (le bel canto, l'opéra historique,
plus tard la cour) et, très vite, l'acte unique et les quatre
personnages sont abandonnés.
Dès 1856, Le Savetier et le financier porte ce nouveau
qualificatif; cette uvre sera suivie d'une demi-douzaine
d'ouvrages annonçant Orphée aux enfers (1858), opéra-bouffon,
et Le Pont des soupirs (1861), premier opéra-bouffe de grande
dimension. Le vocable est adopté; l'opérette ne désignera plus
- à deux exceptions près: La Jolie Parfumeuse (1873) et La
Boîte au lait (1876) - que des pièces en un acte.
Parallèlement, le style évolue: Orphée marque le début d'une
période dominée par une invraisemblance outrancière des
personnages: la société du second Empire est déjà visée sous
les traits d'une Antiquité caricaturale. À la verve comique
s'ajoute l'entrain du cancan, qui a fait son apparition dans
Croquefer et deviendra le symbole du divertissement parisien. Ce
sont les débuts de la collaboration avec Halévy, qui formera
dès 1863 un tandem fameux avec Meilhac, réalisant les meilleurs
livrets d'Offenbach (La Belle Hélène , Barbe-Bleue , La Vie
parisienne , La Grande-Duchesse de Gerolstein , La Périchole ,
Les Brigands ). Car on ne saurait dissocier le musicien de ses
librettistes: les échecs qu'a connus Offenbach sont souvent
imputables à des textes médiocres.
L'apogée de la carrière du musicien se situe à la fin du
second Empire (1866-1870), lorsqu'il donne coup sur coup ses plus
grands succès, composés sur mesure pour Hortense Schneider,
actrice et chanteuse au timbre sombre dont les rôles restent
toujours difficiles à attribuer, car ils réclament une forte
présence scénique, une voix pas trop lourde et une tessiture,
à la limite du mezzo-soprano, que possèdent peu de cantatrices.
Les ouvrages de cette époque ne s'embarrassent pas de formes
inutiles pour railler: chacun se reconnaît dans La Vie
parisienne et la censure croit découvrir Catherine de Russie
sous les traits de la Grande-Duchesse. Mais Offenbach est l'homme
d'une époque. Après 1870, il ne retrouvera jamais sa verve
satirique. Paradoxalement, il réussira là où il avait toujours
échoué, dans le genre sérieux, avec Les Contes d'Hoffmann .
Sur un livret de Jules Barbier, il reprend une idée vieille de
plus de vingt-cinq ans et réalise un opéra fantastique. Le rire
est toujours là, bien qu'à présent sarcastique. Le cynisme
sous-jacent de la satire du second Empire est devenu grinçant.
Offenbach est peut-être un peu aigri d'avoir été oublié; mais
la vie qu'incarne la mélodie demeure, symbole de celui que
Rossini appelait "le petit Mozart des
Champs-Élysées".
Alain Paris
Jacques Offenbach naquit à Cologne le 21 juin 1819. Son père
Juda Eberscht était chantre (Hazan) de la communauté israélite
et de la synagogue de cette ville. N'oublions jamais le rôle de
l'humour " juif " chez Offenbach. Arrivé tout jeune
homme à Paris, il devait y passer la plus grande partie de sa
vie. Paris était alors la capitale du monde musical, et les
parents du jeune musicien savaient que les dons de leur fils
méritaient de s'épanouir dans le milieu le plus favorable. Le
père d'Offenbach lui avait enseigné le violon presque en même
temps qu'il lui avait appris à parler, et l'enfant manifesta
d'emblée des dispositions étonnantes pour la musique ;dés
l'âge de sept ans, il composait, faisant preuve de cette
invention mélodique qui devait faire sa fortune.
A l'âge de dix ans jaques déniche un violoncelle dans la maison
paternelle et se prend d'une véritable passion pour cet
instrument ;son père lui refuse cependant l'autorisation de s'en
servir craignant pour la santé déjà fragile de son fils. Mais
un beau jour alors qu'un groupe d'amis devaient exécuter un
quatuor de Haydn, le violoncelliste vint à manquer ;le jeune
garçon s'offrit à prendre sa place au milieu des rires de
l'assistance ;mais le violoncelliste n'arrivant toujours pas, les
amis décidèrent qu'ils n'avaient rien à perdre en confiant sa
partie a Jacques. Ce fut une révélation ;l'enfant avait appris
par cur en cachette et il s'acquitta triomphalement de sa
tâche. l avait l'étoffe d'un grand musicien et il débarqua
bientôt à Paris porteur d'une lettre de recommandation auprès
du puissant Cherubini qui dirigeait alors le Conservatoire de
Paris.
Le compositeur italien fut tellement impressionné par la
virtuosité du jeune artiste qu'il fit exception pour lui en
décidant d'admettre un " étranger " dans la grande
école nationale. Il serait exagéré de dire que Jacques y fit
des étincelles ;entré a 14 ans dans la classe de Vaslin, il
quitte le conservatoire l'année suivante sans distinction
aucune, attiré déjà par l 'Opéra Comique où il trouve un
emploi dans l'orchestre.
Il joue aux côtés du virtuose Prosper Seligmann premier
violoncelle et l'aspect fantaisiste de sa nature ne tarde pas à
se manifester. Il a raconté plus tard comment les deux musiciens
s'entendirent un jour pour se partager la partition qu'ils
devaient jouer, décidant d'alterner en prenant chacun une note
sur deux ! Tout cela au milieu de grimaces et de facéties sans
fin, qui eurent tôt fait de se traduire en amendes pour le
musicien et de réduire à néant son traitement mensuel de 83
francs
Mais ces tours de force et l'expérience technique
acquise à l'orchestre font bientôt d'Offenbach un
compositeur-virtuose. Pendant quelques années il donne des
récitals de violoncelles et écrit toute une série de pièces
pour cet instrument. On a rapporté la popularité de ses
concerts où il réussissait a transformer le violoncelle en
biniou et a en tirer les sons les plus excentriques à la grande
joie du public ! C'est l'époque ou il veut épouser une jeune
anglaise et où pour convaincre ses futurs beaux parents du parti
" sérieux " qu'il représente il entreprend une
tournée de concerts en Grande Bretagne ayant démontré que des
extravagances ne font pas fuir les livres sterlings!
Durant toute cette époque (au cours de laquelle il met en
musique quelques fables de La fontaine),il prouve déjà son
immense facilité d'invention. Il avait l'imagination si féconde
qu'il s'était engagé paraît il à fournir au compositeur
Flotow (l'auteur de Martha) toutes les mélodies dont il aurait
besoin !En fait certaines compositions pour violoncelle
paraîtront sous les deux noms
En 1850 Offenbach est nommé chef d'orchestre à la Comédie
Française; sa carrière va prendre forme peu à peu. Une musique
de scène qu'il écrit pour la pièce de Musset " le
Chandelier ",la Chanson de Fortunio qu'il développera plus
tard, attire sur lui l'attention. Mais il veut davantage. Il se
tourne vers l'opérette, une forme musicale dont Hervé avait
été le créateur mais qu'il allait marquer bientôt de son
empreinte inimitable. Il produit ainsi toute une série de petits
ouvrages qui feront les délices du public peu exigeant des
petits théâtres ;en revanche, il lui aliéneront de bonne heure
l'estime d'une critique pour qui les mélodies les plus
captivantes n'excusaient pas des situations allant parfois
jusqu'à la vulgarité. La censure d'ailleurs limitait les moyens
dont disposait un compositeur représenté sur ces scènes
exiguës :dans une de ses oeuvrettes où Offenbach avait un rôle
en trop il ne s'en tira qu'en faisant aboyer l'acteur à chacune
de ses interventions, ce qui ne contribua pas peu au succès de
l'affaire !
Le compositeur se libéra de ces contraintes en créant son
propre théâtre en 1855, les célébrés " Bouffes
Parisiens ". Il devait y donner avec un succès grandissant
quantité d'opérettes en un ou deux actes, qui lui valurent une
popularité énorme.
De temps en temps, poursuivant son rêve, il poussait une pointe
vers les grandes institutions mais " Papillons ",
ballet pantomime froidement reçu à l'Opéra, " le Mari à
la Porte ", " Robinson Crusoé " " Vert Vert
", " Barkouf " dont le héros était un chien
!-représentés sans succès à l'Opéra comique, devaient le
tenailler jusqu'à la fin de ses jours. Pourquoi triomphait il
ici et échouait il là ? Pourquoi la critique semblait elle lui
dire : " Doucement Monsieur Offenbach ! Sutor,ne supra
crepidam
"
Il s'explique sur son art dans un article de la revue et Gazette
Musicale de Paris, où il retrace l'évolution de l'Opéra
Comique, selon lui détourné de sa véritable voie.
" Je me dis que l'opéra comique n'était plus à
l'Opéra Comique et que la musique vraiment bouffe, fine,
spirituelle, la musique qui vit enfin s'oubliait peu à peu . Les
compositeurs travaillant pour ce théâtre faisaient de grands
petits opéras. L'esprit de Rossini s'éteignait"
Que voulait il donc accomplir dans sa maison ? Le Théâtre des
Bouffes Parisiens veut essayer de restaurer le genre primitif et
vrai
.C'est dans les esquisses musicales renouvelées de
l'ancien opéra-comique, dans la farce qui ,a produit le
théâtre de Rossini et des maîtres italiens qu'il a rencontré
son succès ;non seulement il entend y persévérer, mais il veut
exploiter ce filon inépuisable de vieille gaieté européenne
avec en prime une pointe d'humour juif. Il n'a d'autre ambition
que de faire court, et si l'on veut y réfléchir un instant ce
n'est pas là une ambition médiocre. Dans un opéra qui ne dure
que trois quart d'heure, qui ne peut mettre en scène que 4
personnages et qui n'utilise qu'un orchestre de 30 musiciens au
plus, il faut avoir des idées et de la mélodie argent comptant.
Notons encore qu'avec un orchestre limité celui dont s'est
contenté Mozart et Cimarosa il est fort difficile de cacher les
fautes et l'inexpérience que dissimule un orchestre de 80
musiciens
.
Offenbach ne se contente pas de prêcher sa formule, il encourage
les jeunes à le suivre et organise un concours ouvert à tous
ceux dont les compositions n'avaient pas été admises à
l'Opéra ou à l'Opéra Comique
C'est ainsi qu'un jury
distingué, où figuraient Auber, Ambroise Thomas et Gounod,
devait couronner parmi 78 concurrents deux musiciens inconnus
qu'ils ne pouvaient départager, Georges Bizet alors âgé de 18
ans et Charles Lecocq, le futur auteur de la " Fille de
Madame Angot ".Les uvres primées furent
représentées en 1857 elles portaient le même titre " le
Docteur Miracle ", inspiré d'un conte d'Hoffmann
Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann, musicien, écrivain et poète allemand qui, par amour de la musique et de Mozart, prit le troisième prénom d'Amadeus, fut peut-être poète parce qu'il était mauvais fonctionnaire, contrairement à l'affirmation de son épitaphe mortuaire qui nous dit qu'il fut "excellent fonctionnaire, excellent poète, excellent musicien, excellent peintre ". Certes, tous les mauvais fonctionnaires ne sont pas de grands poètes, mais Hoffmann sut tirer de ces contraintes matérielles les deux grands principes sur lesquels repose son uvre: tout d'abord la faculté de dédoublement romantique qui lui permet l'évasion dans le fantastique ; ensuite la connaissance précise, l'observation minutieuse de la vie réelle des petits-bourgeois qui transformera le fantastique en réalité troublante. Cette communication entre deux mondes étrangers donnera naissance à ce que l'on a appelé le "réalisme fantastique" qui fait de Hoffmann le lien entre le romantisme et les générations futures.
Les deux pôles du monde et de l'art
Né à Königsberg, Hoffmann grandit dans un
milieu cultivé où l'on reçoit beaucoup, et qui offre à
l'enfant précocement éveillé l'occasion d'exercer un vif
esprit critique qui se donnera plus tard libre cours dans ses
uvres souvent satiriques et humoristiques ainsi que dans
ses caricatures. Après d'ennuyeuses études juridiques, il est
nommé chef d'orchestre à Bamberg, puis, après l'effondrement
de l'Empire napoléonien, il s'installe en 1814 à Berlin où il
demeurera jusqu'à sa mort, travaillant tristement le jour dans
son bureau, écrivant la nuit. Il attache très tôt son nom au
genre romantique le plus important en Allemagne depuis les
frères Schlegel et Tieck: le conte et la nouvelle.
Un mode apparemment contradictoire d'appréhension du monde,
partiellement dicté par une vie elle-même déchirée, est sans
doute le fondement essentiel de son art. Cette même dichotomie
du vécu se retrouvera après lui chez tous les épigones du
romantisme, notamment chez le jeune Thomas Mann.
Deux nouvelles, Les Frères Sérapion (Die Serapionsbrüder ,
1819-1821) et La Fenêtre d'angle de mon cousin (Des Vetters
Eckfenster , 1822), illustrent très clairement cette double
tendance. Dans la première nouvelle, le héros Cyprian retrace
sa rencontre et ses conversations avec le comte von P., devenu
fou, qui s'imagine être la réincarnation du martyr Sérapion:
alors qu'il vit en réalité dans les forêts d'Allemagne, le
comte se croit transporté dans les déserts de Thèbes. À
Cyprian qui tente de le guérir de son illusion, le fou répond
qu'il préfère se confier à l'Esprit qui déploie devant lui
des visions intérieures, principes d'explication du monde,
plutôt qu'au principe de réalité. C'est là toute l'attitude
du romantisme allemand devant l'univers. Novalis disait: "Le
monde devient rêve, le rêve devient monde." Hoffmann lui
aussi proclame que seul est poète le voyant pour lequel la
vision intérieure a autant de réalité que le monde extérieur:
"Il avait véritablement vu ce qu'il proclamait et c'est
pourquoi ce qu'il disait saisissait profondément le cur et
l'âme."
Cependant cette réalité intérieure ne peut naître qu'appuyée
sur l'observation minutieuse du monde, relation essentielle qui
fait l'originalité de Hoffmann dans le romantisme allemand.
L'imagination est la médiatrice entre la réalité extérieure
et le monde de l'esprit pur. On peut dès lors renverser les
perspectives et considérer que Cyprian est fou au même titre
que le comte. Ce célèbre "principe de Sérapion" est
l'une des clefs essentielles de l'uvre.
Le second principe encore plus largement représenté peut-être
ne peut donc malgré les apparences s'opposer au premier: il n'en
est que la face opposée et nécessairement complémentaire. Les
uvres qui s'en inspirent sont parmi les plus importantes,
notamment les Fantaisies à la manière de Callot
(Phantasiestücke nach Callots Manier , édition originale en
avril 1814, à Bamberg): Hoffmann ne pouvait d'ailleurs choisir
de meilleure référence que celle de Callot pour qualifier son
art. La nouvelle La Fenêtre d'angle de mon cousin est peut-être
cependant plus instructive encore. Deux personnages, dont l'un
est symboliquement paralysé, y observent de leur mansarde, à
l'aide d'une paire de jumelles, la scène qui se déroule à
leurs pieds sur la place du marché et les différents
personnages saisis à leur insu dans leur particularités
physiques et psychiques. Les hommes ainsi observés, épiés,
dénudés sont le point de départ de l'uvre fantastique.
Le secret de l'uvre d'Hoffmann est donc bien ce trait
d'union entre les deux aspects contradictoires de la vie et de
l'uvre, et c'est ce mélange de rêve et de réalité qui
frappera en lui les surréalistes qui l'admirèrent tant. C'est
en lui seul aussi que Kafka pouvait trouver un prédécesseur.
Poésie et vérité
L'uvre d'Hoffmann doit une part de sa
célébrité, non la meilleure sans doute, aux accessoires
effrayants de ses "histoires à faire peur", ses
"histoires de fantômes" (Spuckgeschichten ). Sans
souci des lecteurs superficiels, Hoffmann multiplie à plaisir
les histoires de revenants, enterrés vifs, magiciens et
horribles sorcières édentées qui peuplaient la littérature
allemande du temps. Lui-même n'y croyait nullement, mais se
servait de ces procédés peut-être un peu faciles pour
exprimer, faute de moyens plus directs, sa propre angoisse.
Alors que la littérature telle qu'il la conçoit est
nécessairement liée au monde extérieur, la musique
n'appartiendrait selon lui qu'au monde purement spirituel. Parce
qu'il ne sut pas peut-être y créer le pôle antithétique qu'il
trouve dans la littérature, Hoffmann ne put créer
"sa" vraie musique et son uvre musicale est
tombée dans l'oubli malgré quelques efforts pour la faire
renaître. L'élément "démonique" - au sens goethéen
- qu'Hoffmann perçoit dans la musique se retrouve cependant dans
sa création la plus originale, chez le musicien fou Kreisler
dont la biographie, qui devait constituer une uvre
autonome, se trouve éparpillée dans Le Chat Murr (Die
Lebensansichten des Katers Murr , écrite à Berlin à partir de
1814). Il y a sans doute une grande part de confession dans le
jugement que l'auteur porte sur son personnage: nous devons,
dit-il, "le considérer comme un musicien portant les traits
du génie mais non pas génial lui-même, comme un génie raté
et malheureux et nous devons attribuer sa folie à la démesure
de son imagination débridée et incapable de trouver une
forme". Kreisler assume jusqu'à l'amour malheureux
d'Hoffmann pour Julia Marc qui traverse sa vie et son uvre.
Tombé amoureux de son élève âgée de quinze ans alors que
lui, marié depuis neuf ans, en avait trente-cinq, sa jalousie
fut si forte qu'il en vint aux mains avec le fiancé de la jeune
fille. Le scandale lui fermait la porte des Marc, mais Julia n'a
cessé de l'inspirer. Elle a suscité une réinterprétation du
personnage de Don Juan dans la nouvelle du même nom et son
souvenir a imprégné l'une de ses uvres essentielles, Les
Élixirs du Diable (Die Elixiere des Teufels ).
On a souvent écrit que Julia a été pour le conteur une
révélation de l'opposition entre le monde de l'esprit pur (elle
fut toujours inaccessible) et le monde réel qui eut pour lui une
portée aussi haute que celle que Hölderlin reçut de Diotima ou
Novalis de Sophie. Les ressemblances ne sont pourtant
qu'extérieures, et il est difficile d'attribuer à la pensée
d'Hoffmann la même profondeur qu'à celle de Hölderlin ou de
Novalis. On ne peut cependant lui dénier d'avoir conféré à un
genre fort exploité une forme neuve. Le fantastique n'est
peut-être que l'aspect le plus superficiel de son uvre,
même s'il en est le plus visible. En revanche, premier écrivain
véritablement citadin de la littérature allemande, il ouvre une
voie nouvelle en refusant de présenter des destins exemplaires
et désincarnés (comme pouvait le faire Kleist dans son Michael
Kolhaas ). Ses personnages existent de toute la force de leurs
particularités physiques (souvent grotesques et risibles),
sociales, morales. C'est plus par ce style qu'il influencera
Theodor Storm, Thomas Mann puis Franz Kafka que par
l'originalité d'une pensée. Autant que l'apogée du romantisme,
il en est l'une des dernières expressions et l'initiateur d'une
ère nouvelle.
Michel François Demet
La popularité d'Hoffmann a connu son apogée aux grandes
heures du Romantisme. Son uvre littéraire tout entière
fondée sur l'imagination devait séduire par d'étranges
outrances, mais les célébrés " Contes Fantastiques "
sont en réalité comme l'a dit Théophile Gautier, des contes
capricieux et fantasques ; le mot Fantastique est à prendre ici
au sens propre, définissant une création de fantaisie.
Hoffmann lui même est un personnage plus tragique qu'aucun de
ses héros et qu'on a pu comparer à Goya à la fois terrible et
bouffon.Il a su introduire l'idée que le " mal " n'est
pas uniquement défini par la théologie (l'acte méchant, le
crime, la faute, le péché).Le mal peut être diffus dans le
quotidien et se dévoiler sous de formes plus anodines (d'ou le
réalisme fantastique) :une femme apparemment normale, une
poupée, une voix, un miroir, un diamant, une bague, un
objet
.
Ernest Théodore Amédée Hoffmann né a Koenisberg (comme Kant)
en 1776 mourut prématurément à l'âge de 45 ans en 1822 du
tabès syphilitique au terme d'une carrière étonnante. C'est un
contemporain de Beethoven. Les deux hommes se sont rencontrés
plusieurs fois et s'admiraient mutuellement.
C'était à la fois un peintre un poète un compositeur et un
avocat et il sut briller dans chacune de ces vocations.
Caricaturiste invétéré on a dit que ce talent lui fit perdre
son emploi de conseiller juridique à Posen. Ayant caricaturé la
femme du Président du Tribunal en galante compagnie (et
position) avec un jeune avocat
.
Il vécu une vie dissipée et sa santé eut a souffrir de son
penchant pour les liqueurs fortes -on lui doit un procédé de
brassage de la bière, l'Hoffmanisation encore employé en
Alsace-. Lorsque l'inspiration le tenaillait rien ne pouvait l'en
détourner. On raconte que lorsque Dresde tremblait sous la
canonnade napoléonienne il poursuivait calmement dans les parcs
de la ville la composition d'une symphonie. Claveciniste puis
pianiste de talent il fut l'ami de Beethoven et de Weber ; il fut
directeur du petit théâtre de Bamberg en 1809. Il était aussi
un remarquable musicologue. Ses articles publiés dans la Gazette
musicale de Leipzig ont exercée une influence profonde sur
Schumann qui l'immortalisa dans sa composition "
Kreisleriana ".
Chef d'orchestre au Gewandhaus de Leipzig " Res severa verum
gaudium
" puis a Dresde, il eut une fin de vie
pénible et ne fut sauvé de la misère que par un poste
juridique semi-officiel. Il mourut à Berlin en 1822, luttant
héroïquement contre une paralysie envahissante pour terminer
une uvre qu'il avait en chantier. Il laissa plusieurs
symphonie dont la 3° (un chef d'uvre), onze opéras dont
une uvre bouleversante " Ondine " malheureusement
perdue dans l'incendie du théâtre de Dresde, coup du sort qui
devait curieusement affecter aussi la carrière des " Contes
d'Hoffmann "
Hoffmann est a l'origine de toute la littérature fantastique
occidentale et son idée que le " mal " est dilué dans
l'univers avec " apparition " et " réapparition
" sous forme de " cristallisations " n'est pas
sans prolongements littéraires voire cinématographiques (des
" Dents de la Mer " à " Chucky " en passant
par tous les " Exorcistes " hollywoodiens
.)
G.V
L'activité musicale de Hoffmann, compositeur et critique
musical qui s'était adjugé le prénom d'Amadeus en hommage à
Mozart, mérite mieux qu'une mention courante en marge de sa
création littéraire. Exceptionnellement doué pour les arts, il
fait pourtant, selon le désir de sa famille, ses études de
droit, et occupe à ce titre, au début de sa vie, des postes à
Posen, à Plock et à Varsovie. En 1808, il accepte une situation
de chef d'orchestre au Théâtre national de Bamberg, et y reste
avec des fortunes diverses jusqu'en 1813: c'est de ces années
que datent la plupart de ses compositions les plus
intéressantes. Il est ensuite chef de l'orchestre de la troupe
Seconda à Leipzig et à Dresde (1813-1814). Ayant repris sa
première profession, il est nommé juge à la cour d'appel puis
membre du Conseil supérieur d'appel à Berlin où il meurt.
Son uvre la plus marquante est, sans aucun doute l'opéra
féérique Undine (1813-1814), dont la première représentation
au Théâtre royal de Berlin le 3 août 1816, soit cinq ans avant
celle du Freischütz de Weber, est à la fois un sommet de son
existence et une date importante du romantisme musical naissant.
Comme auteur de "nouvelles musicales", il n'a jamais
été surpassé: il faut citer, en tout cas, Le Chevalier Gluck
(Ritter Gluck , 1809) et Don Juan (1813), et surtout le
personnage du maître de chapelle (guetté par la folie),
Kreisler, sorte d'autoportrait destiné à devenir la figure
principale du roman Le Chat Murr (Die Lebensansichten des Katers
Murr , 1819-1822). Quant à ses critiques, parues ou non dans
l'Allgemeine musikalische Zeitung , elles restent exemplaires, en
particulier celles consacrées à Beethoven (Cinquième Symphonie
, Trios , op. 70) et réunies plus tard sous le titre La Musique
instrumentale de Beethoven (Beethovens Instrumentalmusik , 1813):
il s'agit des premiers textes fondamentaux sur ce compositeur
(qui en eut lui-même connaissance, mais seulement plusieurs
années après). Le terme "romantisme", souvent
utilisé par Hoffmann, inclut également pour lui Mozart, et
même Haydn, en raison notamment du rôle joué par chacun d'eux
dans l'émancipation de la musique instrumentale: ce qui ne
l'empêche pas d'aimer passionnément l'opéra, en particulier
Don Giovanni . Représentant éminent du courant
"fantastique" du début du XIXe siècle, il inspirera
dans les décennies ultérieures plus d'un artiste, non seulement
Offenbach et ses Contes d'Hoffmann , mais aussi et surtout
Schumann et ses Kreisleriana , ainsi qu'une bonne partie de
l'uvre de Gustav Mahler.
G.V
Offenbach pensait aux " Contes d'Hoffmann " depuis
1851.En fait son librettiste Jules Barbier avait écrit en
collaboration avec Michel Carré un " drame fantastique
" en 5 actes intitulé " Les Contes d'Hoffmann "
et qui fut produit à l'Odéon le 31 mars 1851. Offenbach
assistait à cette représentation. Il remarqua alors qu'on
pourrait tirer du sujet un opéra comique et s'en ouvrit aux
auteurs suggérant quelques modifications. Le temps passa et
apparemment Offenbach se désintéressa de la chose.
En 1858, la chronique de l'époque rapporte l'exécution des
" Contes fantastiques d'Hoffmann " opéra mis en
musique par Juliette Godillon. On ne sait rien aujourd'hui de
cette uvre. Toujours est-il qu'Offenbach n'y repensa que
bien après 1870.
Dans l'intervalle, il s'était consacré entièrement aux
opérettes qui faisaient son succès et qu'il composait comme en
se jouant.La critique avait beau garder ses distances, trouvant
choquantes, par exemple les bouffonneries de " la Belle
Hélène " Offenbach s'en consolait à demi par leur
popularité auprès du grand public et même à la cour de
napoléon III. Et l'on a pu remarquer à juste titre combien la
période de gloire que le compositeur a connu de son vivant
coïncide avec le Second Empire.
Il écrivait en somme une musique qui correspondait exactement à
l'esprit de la société bourgeoise de cette époque, une
société insouciante à laquelle il appartenait, où il faisait
bon vivre, où il organisait maintes mascarades avec ses amis,
où il vivait un peu les extravagances de sa musique, dépensant
largement, aidant généreusement des musiciens moins fortunés
que lui, gagnant une fortune en la dissipant avec le sourire.
Offenbach est mort pauvre ne laissant que son piano et ses
partitions à Charles Gounod
.Il n'avait pas d'enfants. Il
écrivait certes avec facilité mais on imagine mal la somme de
travail que représente la production de quelques 90 opérettes
en un quart de siècle !
Ludovic Halevy nous le dépeint a l'uvre, quand il écrit
en 1883 : " Je ne puis regarder cette partition de la Belle
Hélène, sans revoir Offenbach en train d'orchestrer devant le
petit bureau de son cabinet de la rue La Fayette. Il écrivait
écrivait, écrivait avec quelle rapidité puis de temps en temps
pour chercher une harmonie, plaquait de la main gauche quelques
accords sur le piano, pendant que sa main droite courrait
toujours sur le papier. Ses enfants allaient et venaient autour
de lui criant, jouant et chantant
.Des amis, des collaborateurs arrivaient
..Avec une entière
liberté d'esprit, Offenbach causait, bavardait plaisantait et la
main droite allait toujours, toujours
Et voilà comment il
écrit cette longue suite d'aimables et délicieux petits chefs
d'uvre. "
1870 mit fin a tout cela . La guerre franco allemande l'atteignit
profondément. Il souffrait pour la France sa patrie d'adoption
sans abandonner sa patrie d'origine. Devant ce déchirement il se
retira en Italie.
Le mot de Leonce revient a l'esprit car a son retour il se remit
au travail, tente de produire à nouveau de la musique
pimpante
. sans s'apercevoir ,en somme que la défaite et la
Commune avait balayé la société qu'il avait connu. Il reprend
le théâtre de la gaieté.
Il lui donne même en 1872, son premier essais d'opéra
fantastique " le Roi carotte " histoire héroïque du
célèbre ministre Kleinzach surnommé cinabre ". Mais cette
uvre, inspirée d'un conte d'Hoffmann est écrite en
collaboration avec le célèbre Victorien Sardou, et un choix
malheureux : Sardou n'a pas su reporter dans son livret le charme
et la poésie qui caractérisait l'original. L'opéra échoue,
les affaires de la Gaieté périclitent et Offenbach doit céder
son théâtre. Un quatrième essais a l'opéra comique "
Fantasio ", connaît le sort lamentable de ses
prédécesseurs.
Malgré sa santé déclinante, le compositeur entreprend alors en
1875 " peut être pour redorer son blason) un voyage aux
Etats Unis mais il nous a laissé toutefois les " Notes d'un
musicien en voyage ", Journal spirituel du dépaysement. A
son retour en France, Offenbach connaîtra encore un grand
succès, " la Fille du Tambour major " il écrira
encore une petite opérette " la belle Lurette " que
Leo Delibes orchestrera après sa mort. Mais surtout il repart a
la conquête de l'Opéra comique en plongeant dés 1876 dans les
" Contes d'Hoffmann ".
Dans l'intervalle, cependant Gilles Barbier et Michel Carré
avaient confiés leur livret au compositeur Hector Salomon, et ce
dernier fit entendre des fragments de l'opéra qu'il projetait
pour l'Exposition de 1878. Offenbach était de son côté en
plein travail et on aurait pu craindre un conflit ;mais Salomon
averti de la chose renonça a son projet en faveur de son
illustre collègue, rare exemple d'abnégation artistique.
Ce sont alors des efforts surhumains d'un homme déjà condamné
au visage émacié, au corps d'une minceur effrayante pour
extraire d'une plume hâtive le lyrisme soutenu dont on le
croyait incapable.
La goutte l'immobilise, la toux le secoue sans arrêt, seul sa
volonté de vivre lui permet de poursuivre.
La volonté de vivre
.et de triompher, enfin on le surprend
à murmurer à son chien Kleinzach : " pauvre Kleinzach
!
. Je donnerai tout ce que j'ai pour être déjà à la
" première ". Il s'éteint le 5 octobre 1880,quatre
mois trop tôt
Les funérailles furent un deuil parisien. Défilant par les
artères où sa musique avait retenti si longtemps, le cortège
passa au milieu de la foule innombrable qu'il avait grisé de son
inépuisable gaieté.
Le 18 novembre, le Figaro tint à organiser à la mémoire du
compositeur un concert où les meilleurs interprètes jouèrent
et chantèrent les scènes les plus fameuses de son uvre.
Mais le musicien n'avait pas dit son dernier mot. Grâce à
l'orchestration d'Ernest Guiraud (celui qui orchestra également
les récitatifs de Carmen), il allait recevoir l'apothéose le 10
février 1881 avec la " première " triomphale à
l'Opéra Comique des " Contes d'Hoffmann ".
La guigne allait pourtant s'attacher aussi à cette
représentation historique :il n'en reste rien !L'incendie de
1887 a détruit les maquettes de décors, les dessins de costumes
et les costumes eux mêmes. Seul subsiste le " livre de bord
" de l'Opéra Comique, avec la mention lapidaire, en date du
10 février 1881,de l'heure du spectacle, de la durée de actes,
et du nom de artistes.
De même à la deuxième exécution au Ring Theater de Vienne
l'opéra brûla, et plusieurs centaines de victimes périrent
dans la catastrophe. On voulut y voir un effet de l'esprit
maléfique du 3° acte et la superstition s'implanta que cet
opéra porterait malheur à tous ceux qui voudraient le
représenter
.Et en effet la diffusion de Contes d'Hoffmann
à l'étranger ne s'est réalisée que fort lentement.
Mais à Paris même, il y eut 101 représentations de
l'uvre ultime d'Offenbach dés 1881. Les plus
irréductibles critiques de jadis rendaient maintenant hommage au
musicien de la " barcarolle ", à la " chanson de
Dappertutto ", à " la romance du ténor ", a
" scintille diamant " en un mot " au poète de
sons à peine entrevus jusqu'alors " selon Debussy
même
On pouvait penser à Offenbach en écoutant Antonia
chanter la sublime aria " Elle a fui la tourterelle ",
à Offenbach que Rossini avait malicieusement appelé le "
Mozart de Champs -Elysées " et qui venait enfin de passer
à titre posthume son examen d'entrée à l'Opera comique dans la
cour des grands maîtres de la musique française.
Guy Verdier
Opéra fantastique en trois actes, un prologue
et un épilogue
Création le 10 février 1881 à l'Opéra-Comique à Paris
Livret de Jules Barbier
d'après un drame de Jules Barbier et M. Carre,
inspiré des contes de E.T.A. Hoffmann
Musique de Jacques Offenbach orchestration E.Guiraud (3° acte
entièrement de la main d'Offenbach)
Le sujet résumé pour les enfants
Les Contes d'Hoffmann restent un ouvrage immensément populaire, sans doute du fait de ce mélange unique d'étrangeté grinçante, parfois inquiétante, d'élans romantiques et passionnés et de passages comiques et bizarres. Un vrai cocktail, qui n'a pas perdu son pouvoir attractif.
Dans une vieille taverne, Hoffmann écrivain allemand
qui a écrit au début du 19e siècle quantité de contes
et romans fantastiques, raconte à des étudiants
l'histoire de ses amours malheureuses, où diverses
incarnations successives d'un même démon, lui disputent
l'affection de diverses incarnations successives de la
même femme, la cantatrice Stella. Il est accompagné de
son amie, l'étudiant (e) Nicklausse, qui en réalité
est sa muse protectrice. Hoffmann transporte ses auditeurs chez Olympia, qui n'est qu'une poupée perfectionnée que son diabolique adversaire casse, puis chez Giulietta, la courtisane vénitienne qui lui vole son reflet dans le miroir, à l'instigation du personnage maléfique qui le poursuit. Et enfin chez Antonia, une jeune cantatrice malade que le démon fait chanter jusqu'à ce qu'elle meure. Dans l'épilogue, de retour dans la taverne du début, Hoffmann se console avec sa muse incarnée par Nicklausse, tandis que Lindorf le diable, (le mal) emmène Stella et que continuent la fête et les libations. |
Offenbach était lui-même un personnage hors du commun, contradictoire, d'une richesse mélodique extraordinaire et capable de passer sans transition de l'entrain échevelé ou de la loufoquerie la plus débridée, à la poésie la plus tendre et mélancolique ou aux élans de la passion la plus fougueuse. Il est l'auteur encore toujours très fêté, d'opéras bouffes et d'opérettes et on lit communément qu'il n'a écrit qu'un seul opéra, ce qui est faux; mais Les Contes d'Hoffmann sont son meilleur et son dernier, avec une foule d'airs très connus et pleins de charme, comme la barcarolle, l'air de la poupée, l'air du diamant, le menuet, les chansons d'étudiants, et quantité d'autres romances et churs. Un opéra à part et dont on ne se lasse pas.