Tancrede Au FESTIVAL DE PESARO

Avec Opéravenir! Une echappée lyrique et théâtrale

                                                              

Nous nous retrouverons ensemble à la fin du mois d'Aout 2004 pour assister à une représentation de l'Opéra Tancrede de Rossini

d'aprés

Voltaire

et visite de

"Ravenne et Urbino" sur la côte Adriatique

Festival Rossini de Pesaro

Départ le mardi 17 aout en car Littoral Car à 6h Place de la Liberté

Retour 20 aout 24h 15 à Toulon

 

3 nuits à l'Hôtel Cruiser **** au centre de Pesaro

Visites de Pesaro, itinéraire artistique et culturel


 

L'Histoire de Tancrede

"Je deviendrais infini si je cédais au plaisir de dire ce que je pense de chacun des morceaux de Tancrède" (Stendhal).

Acte I

L'oeuvre commence avec une ouverture empruntée à La Pietra del paragone.


La Sicile est envahie par les Sarrasins conduits par Solamir. Syracuse, qui a réussi à préserver son indépendance, est déchirée par la rivalité de deux familles, celles d'Argirio (ténor) et d'Orbazzano (basse). Ceux-ci décident de faire front commun contre l'envahisseur (introduction : Pace, onore, fede, amore). Pour sceller la réconciliation, la fille d'Argirio, Amenaïde (soprano), doit épouser Orbazzano.
Mais la jeune fille aime secrètement Tancredi (contralto, rôle travesti) qui, bien que né à Syracuse et de sang royal, a été banni dès son plus jeune âge en même temps que son père (choeur et cavatine d'Amenaïde : Come dolce all'alma mia). La jeune fille lui a écrit pour qu'il vienne la retrouver et libérer Syracuse des Sarrasins. Par prudence, elle n'a pas mentionné le nom du destinataire sur la lettre. Or Tancredi est déjà de retour, incognito. Avec le fidèle Roggiero (soprano, rôle travesti) il désire défendre sa ville contre les Sarrasins et veut revoir Amenaïde (récitatif et cavatine : O patria !... Di tanti palpiti) : tout y est dit de la tendresse, de l'impatience, de l'anxiété après une séparation si longue.
Amenaïde survient en compagnie de son père qui lui ordonne d'épouser Orbazzano et lui apprend que Tancredi risque la peine de mort s'il est surpris à Syracuse (air : Pensa che sei mia figlia). Restée seule, la jeune fille se trouve en présence de Tancredi, mais pour sauver la vie de son amant, elle l'exhorte à quitter Syracuse sans lui en expliquer les raisons et sans lui révéler le projet de mariage conçu par son père (récitatif et duo : L'aura che intorno spiri).
Alors que les préparatifs de mariage commencent (choeur : Amori scendete), Tancredi se présente comme le chevalier inconnu et propose son aide pour défendre Syracuse. À sa vue, Amenaïde déclare publiquement son refus d'épouser Orbazzano. Ce dernier, furieux, dévoile à l'assemblé la lettre d'Amenaïde qu'il a interceptée et prétend que le destinataire en est Solamir. Amenaïde, qui ne peut pas dire en public le nom du destinataire de la lettre, car ce serait condamner Tancredi à mort, ne peut se disculper, ni auprès de l'assistance ni auprès de son amant. Accusée de haute trahison, elle est jetée en prison et condamnée à mort (récitatif et premier final : Ciel ! que intesi !).

Acte II

En proie au désespoir, Argirio hésite avant de signer la condamnation à mort d'Amenaïde que lui réclame Orbazzano (récitatif et air : Ah ! segnar invano io tento). Isaura (mezzo-soprano) prie pour son amie (air : Tu che i miseri conforti).
Seule dans sa prison, Amenaïde se prépare à affronter son châtiment (scène et cavatine : No, che il morir non è). L'air est précédé d'un prélude particulièrement inspiré. Tancredi, toujours incognito, se présente alors comme champion de la jeune fille et, pour prouver son innocence, dont il n'est lui-même pas convaincu, au cours du jugement de Dieu, provoque Orbazzano en duel. Unis dans la même douleur et la même espérance Tancredi et Argirio s'étreignent (récitatif et duo : Ah, se de' mali miei).
Bientôt la nouvelle de la mort d'Orbazzano et de la victoire de Tancredi arrive jusqu'à Amenaïde qui laisse éclater sa joie (récitatif et air : Giusto dio che umile adoro) Le peuple célèbre la victoire du héros inconnu (choeur : Plaudite, o popoli). Cette scène est introduite par les instruments à vent seuls, suivis de l'orchestre entier, effet de spatialisation qui suggère l'approche de la foule. Libérée, Amenaïde ne parvient pas à convaincre Tancredi de son innocence. Il part trouver la mort dans le combat contre les Sarrasins (récitatif et duo : Lasciami, non t'ascolto). C'est le duo des adieux et des larmes refoulées, d'une délicatesse et d'une mélancolie infinies.
Ruggiero, qui a appris d'Isaura qu'Amenaïde n'a pas trahi Tancredi, invoque la paix pour l'âme tourmentée de son maître (air : Torni alfin ridente e bella).

Final de Venise
:
Non loin du camp sarrasin, Tancredi pleure sur son triste sort, il ne pourra jamais oublier sa bien-aimée infidèle (scène et cavatine : Ah ! che scordar non so). Les soldats sarrasins passent non loin de là en se vantant de leur triomphe imminent (choeur : Regna il terror). Argirio et Amenaïde, qui sont à la recherche de Tancredi, font leur apparition. Argirio tente de convaincre Tancredi de l'innocence de sa fille, mais au moment où celui-ci commence à fléchir, des soldats sarrasins apparaissent, proposant qu'Amenaïde épouse Solamir en gage de paix (marche : Qual suon ? che miro !). Tancredi repousse de nouveau Amenaïde et court chercher la mort en prenant le commandement des soldats combattant les Sarrasins (scène : Or che dici ? or che rispondi ?).
Amenaïde et Isaura attendent l'issue de la bataille. Les chevaliers syracusains reviennent : ils ont remporté une pleine victoire sur l'ennemi. Tancredi a tué Solamir qui, en mourant, lui a révélé l'innocence d'Amenaïde. Tous chantent leur bonheur (récitatif et second final : Fra quei soavi palpiti).


Final de Ferrare :


Dans un endroit isolé au pied de l'Etna, Tancredi pleure sur son triste destin, il ne pourra jamais oublier sa bien-aimée infidèle (scène et cavatine : Ah ! che scordar non so, texte et musique identiques au final de Venise), mais les chevaliers syracusains le rejoignent et demandent son aide contre Solamir (choeur : Regna il terror, même musique que le choeur des sarrasins du final de Venise, sur des paroles différentes). Argirio et Amenaïde, qui sont à la recherche de Tancredi, font leur apparition, mais il refuse de les écouter et repousse la jeune fille (rondo : Perché turbar la calma). Il se met à la tête des Syracusains et promet de les conduire à la victoire.
Argirio rentre seul du combat, annonçant que Syracuse a remporté la victoire, mais que Tancredi est mortellement blessé. Les chevaliers reviennent portant le héros agonisant (choeur : Muore il prode) qui apprend de la bouche d'Argirio que le billet d'Amenaïde lui était destiné. Tancredi pardonne à la jeune fille tandis qu'Argirio unit leurs mains. Il meurt dans la plus parfaite simplicité, sur des longues tenues de cordes seules (cavatine finale : Amenaïde serbami tua fé), sans un cri, sans lamentation inutile, sans explosion d'orchestre grandiloquente, simplement sur le filet de voix d'un agonisanLe livret du Tancredi de Rossini est inspiré d'une tragédie de Voltaire, représentée pour la première fois le 3 septembre 1760 par les Comédiens Français. Interprétée par des acteurs célèbres, Lekain en Tancrède et Clairon en Aménaïde, la pièce obtint un grand succès. Dédiée à la marquise de Pompadour, maîtresse de Louis XV, elle aurait dû permettre à son auteur de regagner la faveur royale, néanmoins le philosophe utilisa également ce vecteur pour développer un certain nombre d'idées et condamner en vrac la peine de mort, la justice expéditive, le mariage forcé, le pouvoir tyrannique...
Même si l'opéra conserve la fibre patriotique, il ne subsiste plus grand chose de tout cela dans le livret de Gaetano Rossi. Pire encore, en voulant insérer des duos d'amour, le librettiste a rendu absurde la trame de Voltaire chez lequel les deux amants ne se rencontrent pas, laissant subsister la méprise : l'incapacité d'Amenaïde à se justifier aux yeux de son bien-aimé au cours des deux longs duos qu'ils chantent est véritablement difficile à admettre. Les personnalités des deux héros sortent considérablement affadies de ce traitement, Tancredi trop crédule et Amenaïde trop soumise.
Pourtant, le livret de Tancredi représentait un louable effort pour moderniser la dramaturgie de l'opera seria en puisant dans les pièces de théâtre françaises, ce qui participait d'une esthétique néo-classique développée dans le sillage des guerres napoléoniennes.

Il suffit de se pencher sur les sujets des opera seria de Rossini antérieurs (Demetrio e Polibio, 1809, Ciro in Babilonia, 1812) et postérieurs (Aureliano in Palmira 1813) à base de princes kidnappés à la naissance, de héros gémissant dans les fers, de batailles en coulisses et de revirement final dans l'esprit d'augustes souverains pour se rendre compte des progrès accomplis avec ce Tancredi.

Il n'est cependant peut-être pas inutile d'éclaircir certaines situations de l'opéra en se penchant sur la pièce d'origine.

"La scène est à Syracuse, d'abord dans le palais d'Argire et dans une salle du conseil, ensuite dans la place publique sur laquelle cette salle est construite. L'époque de l'action est de (sic) l'année 1005. Les Sarrasins d'Afrique avaient envahi toute la Sicile au IXe siècle : Syracuse avait secoué leur joug. Des gentilshommes normands commencèrent à s'établir vers Salerne, dans la Pouille. Les empereurs grecs possédaient Messine ; les Arabes tenaient Palerme et Agrigente."

Acte I

Argire, chevalier affaibli par l'âge, exhorte l'assemblée des chevaliers à chasser de Sicile les Sarrasins menés par Solamir :

"Il est temps de sauver d'un naufrage funeste
Le plus grand de nos biens, le plus cher qui nous reste,
Le droit le plus sacré des mortels généreux,
La liberté : c'est là que tendent tous nos voeux."

Afin d'unir leurs forces et d'oublier les dissensions qui ont existé entre les familles syracusaines, Argire donne sa fille Aménaïde en mariage à Orbassan. Mais pour ce dernier, les ennemis sont tout autant, voire plus, les chevaliers normands installés en Sicile que les Sarrasins. Il décrit ainsi la situation de Tancrède :

"De quel droit les Français, portant partout leurs pas,
Se sont-ils établis dans nos riches climats ?
De quel droit un Coucy vint-il dans Syracuse,
Des rives de la Seine au bord de l'Aréthuse ?
D'abord modeste et simple, il voulut nous servir ;
Bientôt fier et superbe, il se fit obéir.
Sa race, accumulant d'immenses héritages,
Et d'un peuple ébloui maîtrisant les suffrages,
Osa sur ma famille élever sa grandeur.
Nous l'en avons punie, et malgré sa faveur,
Nous voyons ses enfants bannis de nos rivages.
Tancrède, un rejeton de ce sang dangereux,
Des murs de Syracuse éloigné dès l'enfance,
A servi nous dit-on, les césars de Byzance :
Il est fier, outragé, sans doute valeureux ;
Il doit haïr nos lois, il cherche la vengeance."

L'ascendance de Tancrède est ainsi clairement précisée : il est de souche française, installé dans un pays étranger. Il s'agit d'un rappel de l'actualité du moment, puisque les hostilités franco-anglaises en pleine guerre de Sept Ans portaient notamment sur la suprématie coloniale. Les Normands de Sicile sont semblables à ces Français installés en Amérique du Nord, envahis et chassés par les Britanniques cette même année 1760.

Le chevalier Lorédan précise que les biens confisqués à Tancrède ont été octroyés à Orbassan. Seul Argire demeure réservé :

"Je n'aurais point pour eux dépouillé l'orphelin
vous savez qu'à regret on m'y vit condescendre."

Orbassan expose à Argire qu'il se considère comme un chef de guerre peu fait pour l'amour, que cette union est uniquement à but politique, mais qu'il saura respecter et honorer sa future épouse.
Aménaïde exprime son opposition à son père au sujet de ce mariage. Nous apprenons qu'au cours d'une guerre civile, Argire envoya sa femme et sa fille se réfugier à Byzance, et que la mère d'Aménaïde y mourut, laissant sa fille seule dans cette ville inconnue. La jeune fille rappelle que Tancrède est toujours populaire parmi la population de Syracuse, et qu'Orbassan a monté le conseil contre lui pour pouvoir le spolier de ses biens. Argire part sans avoir changé d'avis.

Un dialogue entre Aménaïde et sa confidente Fanie révèle que Solamir et Tancrède sont tous deux tombés amoureux de la princesse lors de son exil à Byzance, qu'elle a éconduit le Sarrasin, et également que Tancrède a déjà débarqué incognito à Messine. On note ce petit dialogue :

"Fanie : à leurs seuls intérêts les grands sont attachés.
Le peuple est plus sensible.
Aménaïde : il est aussi plus juste."

Acte II

Aménaïde a fait envoyer un message à Tancrède par l'intermédiaire d'un esclave dévoué qui pour joindre le chevalier devra passer à travers les lignes sarrasines. Pour plus de sécurité, le nom du destinataire n'est pas indiqué sur la lettre. On apprend que sur son lit de mort, la mère de la jeune fille l'a unie au chevalier normand.

Argire surgit : la lettre a été interceptée au moment où l'esclave allait traverser le camp sarrasin, c'est pour cette raison que tous croient que le message est adressé à Solamir. Aménaïde se déclare innocente, sans vouloir s'expliquer, afin de protéger Tancrède. Elle est condamnée à mort.

"Argire : j'ai vécu trop longtemps... Qu'as-tu fait ?
Aménaïde : mon devoir. Aviez-vous fait le vôtre ?"

Orbassan propose noblement à Aménaïde d'être son chevalier pour le jugement de Dieu. On trouve quelques évocations de cette proposition dans l'opéra, mais tellement allusives qu'elles sont incompréhensibles à qui ne connaît pas la pièce. Comptant sur sa reconnaissance, Il demande en échange le serment solennel d'être aimé fidèlement de sa future épouse. La jeune fille refuse, assurant le chevalier de son estime et jurant ne pas avoir trahi son pays.

Acte III

Entrée de Tancrède, suivi de deux écuyers et de son ami Adalmon. Ses premiers mots,"A tous les coeurs bien nés que la patrie est chère !", auront pour écho le génialissimement simple "O ! patria" de l'opéra. On note le petit dialogue entre les deux chevaliers :

"Adalmon : (...) je ne suis qu'un soldat, un simple citoyen...
Tancrède : Je le suis comme vous : les citoyens sont frères."

Tancrède décide de dissimuler son nom ainsi que les emblèmes de ses armes et envoie Adalmon prévenir Aménaïde de son retour. Contrairement à ce qui se passe dans l'opéra, il ne rencontre pas la jeune fille, ce qui rend la méprise crédible.

Adalmon revient, porteur de la nouvelle de la trahison et de la condamnation d'Aménaïde. Tancrède croit tout d'abord à une calomnie. Apercevant Argire, il se dirige vers lui et l'interroge. Le vieil homme, persuadé de l'infamie de sa fille, affirme au chevalier qu'elle est bel et bien coupable, sans lui révéler les éléments qui auraient pu lui faire penser à un quiproquo, mais lui précisant qu'elle a reconnu être l'auteur de la lettre et qu'elle n'en éprouve aucun remord ("elle est la honte de son père"). Tancrède est convaincu :

"En vain j'avais douté ; je dois en croire un père :
Le père le plus tendre est son accusateur ;
Il condamne sa fille ; elle-même s'accuse."

Il se propose néanmoins comme chevalier pour le jugement de Dieu, non pour l'amour d'Aménaïde, mais pour la vertu d'Argire, et défie Orbassan.

Acte IV

Le combat a eu lieu pendant l'entracte. Orbassan est mort. Les chevaliers syracusains proposent à Tancrède de marcher avec eux à l'assaut des forces sarrasines.

Tancrède refuse de revoir Aménaïde avant de partir au combat, mais celle-ci survient. C'est l'équivalent du deuxième duo Amenaïde/Tancredi de l'opéra, à ceci près que la place est remplie de chevaliers, encore hostiles au nom de Tancrède, et que le nommer en public serait le condamner à mort. Aménaïde n'a donc aucun moyen de se disculper pendant cette très courte entrevue. Elle reste seule avec Fanie :

"Aménaïde : Lui me croire coupable !
Fanie : Ah ! s'il peut s'abuser,
Excusez un amant.
Aménaïde : Rien ne peut l'excuser...
Quand l'univers entier m'accuserait d'un crime :
Sur son jugement seul un grand homme appuyé
A l'univers séduit oppose son estime.
Il aura donc pour moi combattu par pitié !
Cet opprobre est affreux, et j'en suis accablée.
Hélas ! Mourant pour lui, je mourrais consolée ;
Et c'est lui qui m'outrage et m'ose soupçonner !
C'en est fait, je ne veux jamais lui pardonner ;
Ses bienfaits sont toujours présents à ma pensée,
Ils resteront gravés dans mon âme offensée ;
Mais, s'il a pu me croire indigne de sa foi,
C'est lui qui pour jamais est indigne de moi.
Ah ! De tous mes affronts c'est le plus grand peut-être."

Questionnée par Argire, Aménaïde lui apprend l'identité de son sauveur. Elle décide d'accompagner son père au champ de bataille.

"Aménaïde : Seigneur, il n'est plus temps que vous me refusiez :
J'ai quelques droits sur vous ! Mon malheur me les donne
Faudra-t-il que deux fois mon père m'abandonne ?
Argire : Ma fille, je n'ai plus d'autorité sur toi ;
J'en avais abusé, je dois l'avoir perdue (...)
Et nos moeurs et nos lois ne le permettent pas.
Aménaïde : Quelles lois ! quelles moeurs indignes et cruelles !
Sachez qu'en ce moment je suis au-dessus d'elles ;
Sachez que, dans ce jour d'injustice et d'horreur,
Je n'écoute plus rien que la loi de mon coeur.
Quoi ! ces affreuses lois, dont le poids vous opprime,
Auront pris dans vos bras votre sang pour victime ;
Elles auront permis qu'aux yeux des citoyens
Votre fille ait paru dans d'infâmes liens,
Et ne permettront pas qu'aux champs de la victoire
J'accompagne mon père et défende ma gloire !
Et le sexe en ces lieux, conduit aux échafauds,
Ne pourra se montrer qu'au milieu des bourreaux !
L'injustice à la fin produit l'indépendance."

Acte V

Les chevaliers parlent de la conduite héroïque autant que suicidaire de Tancrède au cours du combat. La nouvelle de sa mort parvient à Aménaïde et Argire. On amène Tancrède agonisant devant eux. Argire détrompe Tancrède ("cruellement trompé, je t'ai trompé moi-même"). Le héros meurt, Aménaïde s'effondre sur son corps après avoir maudit l'assistance.

"Vous, cruels, vous, tyrans, qui lui coûtez la vie !
Que l'enfer engloutisse, et vous, et ma patrie,
Et ce sénat barbare, et ces horribles droits
D'égorger l'innocence avec le fer des lois !"
.


1. Quelques faits
2. Candeur virginale
3. La légende du riz
4. Histoire d'une fin
5. Patriotisme italien
6. Conservatisme et innovation

(Tancredi au Théâtre San Carlo)


--------------------------------------------------------------------------------
1. Quelques faits
--------------------------------------------------------------------------------

Tancredi, melodramma eroico en deux actes, sur une musique de Gioacchino Rossini et un livret de Gaetano Rossi, inspiré d'une tragédie de Voltaire, fut créé au Teatro La Fenice de Venise, le 6 février 1813, avec Adelaïde Malanotte dans le rôle-titre.
L'enjeu était d'importance, il s'agissait du premier grand opera seria de Rossini, et du prestigieux théâtre de la Fenice de Venise. L'ouvrage fit l'effet d'une révolution dans le monde de l'opéra italien et assura à son compositeur qui n'avait pas encore vingt et un ans, mais déjà composé neuf autres opéras, une célébrité mondiale.

La première représentation fut interrompue au milieu du deuxième acte, la Malanotte ayant été victime d'un malaise. Malgré ce contretemps, l'oeuvre connut un succès triomphal et fit le tour de l'Europe en quelques années, interprétée par les plus adulées des cantatrices : Giuditta Pasta, Maria Malibran, Rosmunda Pisaroni... La cavatine d'entrée de Tancredi, Di tanti palpiti, bénéficia immédiatement d'une popularité considérable.

Rossi et Rossini collaborèrent de nouveau dix ans plus tard, dans ce même théâtre, s'inspirant encore d'une tragédie de Voltaire, pour l'oeuvre qui clôtura définitivement le chapitre de l'opera seria, Semiramide.

--------------------------------------------------------------------------------
2. Candeur virginale
--------------------------------------------------------------------------------

"À cette époque, l'Italie déjeunait, dînait et probablement faisait l'amour en musique ; l'air en vibrait ; la mer à Venise et à Naples portait une note sur chacune de ses vagues" Lord Derwent (Rossini, 1937).
En ces années, le tout jeune Rossini courait d'un bout à l'autre de l'Italie, de Venise à Bologne, de Rome à Milan, pour faire jouer sa musique. Pauvre d'argent, il était avide de gloire, richissime d'espoir et d'amour : amant de la belle cantatrice Marietta Marcolini et de quelques autres dames de la haute société, il abandonnera bientôt cette heureuse insouciance en s'établissant à Naples.

"Candeur virginale"... Le mot est de Stendhal qui écrivit aussi : "Ce qui me frappe dans la musique de Tancrède, c'est la jeunesse (...) Tout y est simple et pur (...) C'est le génie dans toute sa naïveté, et si l'on me permet cette expression, c'est le génie vierge encore (...)".

En fait, Tancredi est à Rossini ce que L'Enlèvement au Sérail fut pour Mozart. On trouvera peut-être des opéras de l'un comme de l'autre plus aboutis, mais aucun sur lequel passent ainsi le souffle et l'enthousiasme de la jeunesse. Nulle part les héros n'auront l'éclat de Tancredi et Amenaïde ou de Belmonte et Konstanze. Même le héros meurt dans une émotion douce-amère, celle d'une génération qui ne sait pas encore ce que c'est que la vieillesse et la mort.

Le charme de cet opéra repose essentiellement sur la fraîcheur de l'inspiration, sur l'économie des moyens, sur des mélodies simples qui se retiennent et se fredonnent facilement.

--------------------------------------------------------------------------------
3. La légende du riz
--------------------------------------------------------------------------------

L'anecdote est célèbre : Adelaïde Malanotte, créatrice du rôle-titre, refusa l'air d'entrée qu'avait concocté le maestro. Contrarié, le compositeur entra dans une auberge de Venise, commanda un risotto et, en attendant que le plat soit servi, composa la cavatine Di tanti palpiti sur un coin de table. Merveille du génie et de la prolixité de Rossini, l'air fut terminé au moment où le plat arriva sur la table, d'où son nom d'"aria dei risi".
Très exactement, Stendhal la raconte de la façon suivante, dans sa fameuse Vie de Rossini :
"À Venise, Rossini avait fait pour l'arrivée de Tancrède un grand air dont la Malanotte ne voulut pas ; et comme cette excellente cantatrice était alors dans la fleur de la beauté, du talent et des caprices, elle ne lui déclara son antipathie pour cet air que l'avant-veille de la première représentation.
Qu'on juge du désespoir du maestro ! (...) Le jeune homme rentre pensif à sa petite auberge. Une idée lui vient (...)
En Lombardie, tous les dîners (...) commencent invariablement par un plat de riz ; et comme on aime le riz fort peu cuit, quatre minutes avant de servir, le cuisinier fait toujours faire cette question importante : "bisogna mettere i risi ?" Comme Rossini rentrait chez lui désespéré, la cameriere lui fit la question ordinaire ; on mit le riz au feu, et avant qu'il fut prêt, Rossini avait fini l'air Di tanti palpiti.
Le nom d'"aria dei risi" rappelle qu'il a été fait en un instant."

Cette anecdote est très probablement vraie. En effet, le manuscrit autographe de Tancredi, conservé au Museo Teatrale alla Scala, contient deux cavatines d'entrée en scène pour le héros, toutes les deux de la main de Rossini : à coté de Di tanti palpiti se trouve une autre pièce, Dolci d'amor parole.
Mais il est plus probable encore que Stendhal raconte l'histoire à l'envers.

L'auditeur moderne connaît maintenant l'air Dolci d'amor parole, enregistré en bonus de l'intégrale de Roberto Abbado. Il est de facture plus classique, et surtout plus orné que Di tanti palpiti. Et quelle cantatrice refuserait un air dans lequel elle a l'occasion de briller en multipliant roulades et ornements, au bénéfice d'un air plus simple ?

D'autre part, un examen minutieux du manuscrit autographe révèle que Di tanti palpiti fut écrit sur le même papier que les numéros précédents et suivants de l'opéra ; Dolci d'amor parole est noté sur une variété de papier différente et apparaît donc comme un ajout postérieur au manuscrit.

La Malanotte, qui ne pouvait pas se douter que la cavatine d'origine allait devenir si célèbre et estimait probablement que Di tanti palpiti ne la mettait pas assez en valeur, a vraisemblablement chanté tantôt l'un tantôt l'autre air pendant la saison vénitienne, jusqu'à ce que rapidement la popularité de Di tanti palpiti bannisse Dolci d'amor parole de l'opéra.

En effet, s'il faut en croire Stendhal "depuis le gondolier jusqu'au plus grand seigneur, tout le monde répétait : "ti rivedro, mi rivedrai". Au tribunal où l'on plaide, les juges furent obligés d'imposer silence à l'auditoire, qui chantait "ti rivedro !". ("Ti rivedro, mi rivedrai" : tu me reverras, je te reverrai, mots d'amour de cette cavatine. Des pages entières ont été écrites pour expliquer pourquoi le "tu me reverras" se trouve avant le "je te reverrai"... Innocente fatuité de l'amour insouciant !).

L'air allait devenir un des plus populaires de la première moitié du XIXe siècle. Si populaire que Wagner en fit une parodie dans le choeur burlesque des tailleurs des Maîtres Chanteurs, un demi-siècle plus tard, et que lors de la première de la Neuvième Symphonie, Beethoven le fit chanter afin d'attirer le public.


(Tancredi au Théâtre San Carlo)


--------------------------------------------------------------------------------
4. Histoire d'une fin
--------------------------------------------------------------------------------

Créé à Venise en février 1813, Tancredi fut repris le mois suivant à Ferrare, pour la saison de Carême. Rossini et Adelaïde Malanotte s'y rendirent donc. Or la cantatrice était accompagnée de son amant, Luigi Lechi.
Pour la petite histoire, ce n'est pas la première fois que le destin de Rossini était lié à un membre de la famille Lechi. Le 22 décembre 1797, la légion lombarde que commandait le comte Giuseppe Lechi, frère aîné du précédent, pénétra à Pesaro, qui faisait alors partie des Etats du pape, sous les acclamations de Rossini père, républicain farouche. Giuseppe Rossini et quelques autres décrétèrent le ralliement de Pesaro à la République. Mais les soldats du pape reprirent rapidement possession de la ville, Giuseppe Rossini fut jeté en prison, et sa femme partit pour Bologne, où elle se fit engager comme chanteuse "seconda donna" pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils, âgé de cinq ans. Après dix mois de prison, le père les rejoignit, l'aventure lui avait fait perdre son emploi d'inspecteur des boucheries, il tint désormais le cor dans les orchestres des théâtres dans lesquels sa femme se produisait. Rossini dira : "Sans l'invasion des Français en Italie, j'aurais été probablement pharmacien ou marchand d'huile."

Luigi Lechi, le frère cadet, écrivain et patricien libéral, appartenait à une des plus nobles familles de Brescia. Il faisait partie d'un groupe de poètes regroupés autour de Ugo Foscolo, par l'intermédiaire duquel il avait rencontré la Malanotte. On ne sait pas qui, de Rossini ou de Lechi, suggéra de modifier le final pour le rendre conforme à la pièce de Voltaire en faisant mourir Tancredi. Mais c'est Lechi qui écrivit le texte du dénouement tragique.

Il était encore top tôt : faire mourir un personnage sur scène était tout simplement inconvenant, même si l'agonie de Tancredi est toute de sobriété et d'émotion. Ce dénouement était toutefois moins dramatique que celui de la pièce de Voltaire, puisque Amenaïde y meurt également. Ce 20 mars 1813, le public, déconcerté, bouda cette fin inhabituelle ; on en revint donc au livret originel. Pourtant, les fins tragiques devinrent bientôt la norme de l'opéra romantique, dont Rossini fut le précurseur : Tancredi marque un tournant dans l'histoire de l'opéra.

Paradoxalement, c'est grâce à cette fin qui déplut tant que l'oeuvre fut tirée de l'oubli.

En 1862, Tancredi, passé de mode, connut une dernière reprise à Paris et disparut des scènes lyriques. La première reprise du XXe siècle eut lieu au Mai Musical Florentin en 1952 sur l'initiative de Tullio Serafin avec Giulietta Simionato dans le rôle-titre, la seconde en 1968 à l'auditorium Pedrotti de Pesaro, sans parvenir à s'imposer autrement que comme curiosité. Ces deux productions donnaient la fin heureuse, car on pensait que le manuscrit du final tragique était perdu, que seul le livret imprimé avait survécu.

C'est en 1974 que le comte Lechi, lointain héritier du librettiste rossinien, informa la fondation Rossini de Pesaro qu'un manuscrit avait été découvert dans les archives familiales. Ce fut l'une des découvertes les plus importantes de la Rossini-renaissance : on identifia bientôt la partition autographe du final tragique, dont la première résurrection eut lieu à Martina Franca en 1976, avec Viorica Cortez, Lella Cuberli et Eduardo Gimenez, puis au théâtre municipal d'Angers sous la direction de John Perras, déjà au pupitre de Martina Franca.

C'est alors que Marilyn Horne tomba amoureuse du rôle-titre et de sa mort douce-amère, et qu'elle l'interpréta partout : au Jones Hall de Houston le 13 octobre 1977, deux mois après à Rome, à Carnegie Hall en 1978, à San Francisco en 1979, au festival d'Aix-en-Provence en 1981 et à la Fenice de Venise en 1981 et 1983. Elle réalisa aussi un enregistrement qui, s'il n'est pas l'aîné de la discographie, est le premier qui fasse réellement honneur à Rossini. De son coté, Lucia Valentini-Terrani aborda le rôle en 1982 au festival de Pesaro.

De nos jours, le final tragique a pris le pas sur la conclusion heureuse, sur scène aussi bien que dans les enregistrements. Il nous est cependant permis, après plus d'un siècle d'agonies donizettiennes et de morts violentes verdiennes, d'aimer tout autant la fin heureuse, tellement plus proche du Rossini jeune et solaire des années pré-napolitaines.

--------------------------------------------------------------------------------
5. Patriotisme italien
--------------------------------------------------------------------------------

Les premiers mots, d'une simplicité sublime, du Tancredi rossinien sont "o ! patria". Ces deux mots suffirent à réveiller l'ardeur dans le coeur d'un peuple qui, dans le sillage napoléonien, retrouvait le sens patriotique.
Comme le note Damien Colas dans Rossini, l'opéra de lumière, "Tancrède n'est autre qu'un soldat de Bonaparte, symbole de gloire, d'aventure, de justice et de liberté, transposé dans la Sicile du XIe siècle". Ou encore, comme le dit Dominique Fernandez dans Le Promeneur amoureux, "le récitatif o ! patria et l'air Di tanti palpiti permet au compositeur d'épancher sa tendresse amoureuse non moins que ses impatiences nationalistes".

L'opéra qui suivra cette oeuvre à la fois belliqueuse, chevaleresque et patriotique dans la production rossinienne sera, la même année et dans la même ville, L'Italienne à Alger, à la fin duquel l'héroïne entonne le fracassant rondo Pensa alla patria.

Quelle mouche piquait donc Rossini ? il semble que les tribulations paternelles rapportées dans le paragraphe précédent lui aient servi de leçon de prudence. Il sortit une seule autre fois de sa réserve, en 1815, après le retour de Napoléon de l'île d'Elbe. L'Italie se souleva et Murat chassa les Autrichiens. Aussitôt Rossini, qui se trouvait à Bologne, composa un hymne à l'indépendance italienne. Mais la légende, invérifiable, et que le maestro récusa, raconte que les Autrichiens ayant repris Bologne et procédant à d'impitoyables répressions, le compositeur demanda un beau matin à être reçu au quartier général autrichien et proposa de composer un hymne en l'honneur de l'empereur François Ier en échange d'un sauf-conduit. L'hymne était le même que le précédent, mais avec d'autres paroles ! Quand la supercherie fut découverte, Rossini était déjà loin...

Par la suite, à Naples comme à Paris, l'ascension sociale de Rossini fut liée aux Bourbons. Pourtant, quand il quitta la capitale française en 1836 pour s'installer à Bologne, il ne cacha pas son admiration pour le risorgimento. Mais face à ces jeunes patriotes, il faisait figure de réactionnaire. Effrayé par les insultes qu'il reçut, il quitta Bologne en 1848 et s'installa à Florence.

Quoi qu'il en soit, Rossini avait, semble-t-il, des opinions dans sa jeunesse, qu'il osa timidement faire entendre. D'autres seront moins timorés et, un jour, les allusions patriotiques au sein d'un opéra feront la renommée de Verdi...

--------------------------------------------------------------------------------
6. Conservatisme et innovation
--------------------------------------------------------------------------------

Si l'on feuillette le dictionnaire chronologique de l'opéra à l'année 1813, n'y figurent que trois opéras : Il signor Bruschino, Tancredi, L'Italienne à Alger. Trois opéras de Rossini. Pourtant, à cette époque, toute l'Italie bruissait de musique, et les compositeurs étaient nombreux. Qui de nos jours peut fredonner la moindre mélodie de Pavesi, Mosca, Generali, Manfroce, Coccia, Fioravanti, Nicolini, Portogallo ou Guglielmi ? Et que possédaient les opéras de Rossini qui en firent le compositeur adulé de toute l'Europe et qui précipitèrent ses contemporains dans l'oubli ?
Encore une fois, c'est Stendhal qui fournit une partie de l'explication : "Avant Rossini, il y avait bien souvent de la langueur et de la lenteur dans les opera seria ; les morceaux admirables étaient clairsemés, souvent ils se trouvaient séparés par quinze ou vingt minutes de récitatif et d'ennui : Rossini venait de porter dans ce genre de composition le feu, la vivacité, la perfection de l'opera buffa (...) il entreprit la besogne de porter la vie dans l'opera seria."

Avec Tancredi, Rossini commençait à secouer tous les poncifs de l'opera seria : il conserva la trame de l'opéra métastasien, mais si les récitatifs sont toujours secs, ils sont raccourcis au minimum. De la même façon, il s'agit encore d'un opéra à numéros fermés bien distincts, mais les scènes d'ensemble, dans lesquelles progresse l'action, sont privilégiées par rapport aux arias solistes, qui décrivent les sentiments intérieurs des personnages : duos et ensembles impriment un rythme à l'oeuvre.

À l'intérieur de chaque morceau, la tonicité est également assurée par des contrastes de tensions et de détentes, évitant la monotonie qui pourrait surgir de la succession de numéros. On remarque en particulier une dynamique interne, une montée en puissance menant graduellement au point culminant que constitue la cabalette. On peut prendre pour exemple le deuxième air, splendide, d'Argirio. Il commence mélancoliquement par les hésitations d'un père à signer la condamnation à mort de sa fille : Ah ! segnar invano io tento, puis, après une intervention du choeur, l'atmosphère change, Argirio, résolu, demande pardon de ses larmes : Perdonate questo pianto sur un rythme enlevé et énergique. Cette organisation bipartite des morceaux aura une influence considérable sur le théâtre lyrique italien de tout le restant du XIXe siècle.

Mais revenons à Stendhal : "Ce qui excita des transports si vifs à Venise, ce fut la nouveauté de ce style, ce fut des chants délicieux garnis, si j'ose m'exprimer ainsi, d'accompagnements singuliers, imprévus, nouveaux, qui réveillaient sans cesse l'oreille et jetaient du piquant dans les choses les plus communes en apparence ; et cependant les accompagnements produisaient des effets si séduisants sans jamais nuire à la voix."

L'orchestration de Tancredi paraît donc novatrice à l'oreille de ses contemporains. Celle de l'auditeur du XXIe siècle, habituée à des harmonies plus nourries, plus épicées, ne s'en rend malheureusement plus compte. Il fut cependant longtemps reproché à Rossini, y compris dans ses petits opéras en un acte, une opulence et une difficulté d'orchestration inhabituelle pour son temps. On parlait, le concernant, "d'harmonie allemande" ! Les ressources expressives de l'orchestre sont ici mobilisées comme rarement dans l'opéra italien du début du XIXe siècle. Qu'on écoute attentivement le prélude de l'air de la prison d'Amenaïde...

Mais son immense succès tient tout autant à la beauté et à la simplicité des mélodies, encore complètement dans la tradition belcantiste, cherchant par-dessus tout à mettre la voix en valeur, mais sans excès gratuit. De plus, le choix pour le rôle-titre d'une voix de contralto, en remplacement de la voix de castrat déjà moribonde, montre à quel point Rossini était attaché à la tradition.

Rossini fut ainsi un conservateur-rénovateur, un prodigieux précurseur en même temps qu'un pur produit de la tradition lyrique italienne du XVIIIe siècle qui mourra avec lui, car tout en collant cette tradition au plus près, il la renouvela totalement, préfigurant par le resserrement dramatique, une orchestration éloquente et intense, les premiers accents de la sensibilité romantique naissante.