le rêve de réussite américain

Wonderful Town de Bernstein

Splendeurs et secrets de la comédie musicale américaine

Reprise à l’Opéra de Toulon de la Comédie musicale américaine Wonderful Town  de Leonard Bernstein (1918-1990) sur un livret de Jérôme Chodorov et Joseph Fields avec des  Lyrics de Betty Comden et Adolph Green. La Création a eu lieu à  Broadway, au Winter Garden Théâtre, le 25 février 1953. La création française à Toulon a été un événement musical en 2018. Les représentations  de la production de Toulon auront lieu  les vendredi 24 mars 20h, samedi 25 mars 20h et dimanche 26 mars 14h 30.

L’œuvre sera chantée en anglais avec sonorisation et surtitrage sous la direction musicale de Larry Blank. Mise en scène d’Olivier Bénézech a qui l’on doit ce beau travail de redécouverte. La Chorégraphie est de  Johan Nus. Scénographie : Luc Londiveau. Costumes : Frédéric Olivier. Orchestre et Choeurs de l’Opéra de Toulon. Avec des interprètes spécialistes de cette esthétique musicale et  théâtrale : Jasmine Roy, Rafaëlle Cohen, Dalia Constantin, Van Kempen, Maxime de Toledo, Thomas Boutilier, Franck Lopez, Jacques Verzier, Scott Emerson, Sinan Bertrand et Julien Salvia.

L’intrigue sur fond d’émigration intérieure lors de  la crise des années 30

L’action se déroule durant l’été 1935, à New York, dans le quartier de Greenwich Village. Les deux sœurs Sherwood, Ruth et sa cadette Eileen, s’y installent, débarquant de leur Ohio natal, afin de « conquérir » la ville. La première ambitionne de devenir écrivain ; la seconde désire être actrice. Ruth se présente dans les bureaux d’un magazine, éditeur d’histoires courtes, et rencontre Robert ‘Bob’ Baker qui tombe amoureux d’elle.  De son côté, Eileen fait la connaissance de Frank Lippencott…

Le découpage  cinématographique de l’œuvre

Acte 1 Ouverture (orchestre) Christopher Street (un guide, les villageois)

Ohio (Ruth, Eileen) Conquering New York (Ruth, Eileen, un cadet, Violet, les villageois)

One Hundred Easy Ways (Ruth) What A Waste (Robert, les éditeurs)

A Little Bit in Love (Eileen) Pass the Football (Wreck, les villageois)

Conversation Piece (Ruth, Eileen, Frank, Robert, Chick) A Quiet Girl (Robert) Conga ! (Ruth, danseurs)

Acte 2

Entr’acte (orchestre) My Darlin’ Eileen (Eileen, un ivrogne, un policier)

Swing ! (Ruth, les villageois) Ohio (reprise : Ruth, Eileen) It’s Love (Robert, les villageois) Ballet at the Village Vortex (danseurs ; orchestre) Wrong Note Rag (Ruth, Eileen, les villageois) It’s Love (reprise : ensemble)

Le sens de l’œuvre

À travers les improbables pérégrinations de deux sœurs qui débarquent du fin fond de l’Ohio pour tenter leur chance à New York, Bernstein affirme son amour pour cette ville. Wonderful Town, avec ses épisodes chorégraphiques survoltés et sa somptueuse orchestration, est un prélude à West Side Story. L’atmosphère électrique des quartiers branchés de Greenwich Village et de Chelsea, est incroyablement décrite par des rythmes jazzy et latinos. Une histoire loufoque et dingue où tout finit par une seule attitude : « Swing ! ». Montrer au monde qu’à NY, si on  travaille et avec de la chance on peut réussir. Le rêve de la réussite individuelle s’offre à tous. Sauf pour les laissés-pour-compte  du libéralisme. What a waste ! chante le chœur, quel gâchis !

La partition synthèse de  jazz  et de classique, influence de Gershwin

Pour bien interpréter cette œuvre il faut : 4 trompettes, 3 trombones, percussions, piano (célesta optionnel), cordes. Détail de la nomenclature : Anches I : flûte, clarinette mib, clarinette sib, saxophone alto. Anches II : clarinette sib, clarinette basse, saxophone alto, saxophone baryton. Anches III : hautbois, cor anglais, clarinette sib, saxophone ténor. Anches IV : flûte piccolo, flûte, clarinette sib, saxophone ténor. Anches V : clarinette sib, saxophone alto, saxophone basse, basson.  Il existe une version concert de cette œuvre. Comme pour  l’orchestration de Porgy and Bess, c’est un mélange réussi de Big Band de jazz très cuivré et d’orchestration ravélienne. A cela s’ajoute la touche latino qui plaisait tant à Bernstein. Comme il le  dit lui-même « c’est de la musique juive européenne exportée sur le continent américain avec trois influences  précises, le jazz, le classique et les rythmes tropicaux. ».

La vision d’Olivier Bénézech metteur en scène

Il dit : « Bernstein aura contribué à forger mon goût pour le Musical. Le vrai. Théâtre populaire intelligent, perfection des rapports texte/musique, engagement politique, Bernstein est le mythe fondateur du Musical contemporain. Sans lui le genre ne se serait pas développé de la même manière, et toute une génération de compositeurs, de Sondheim à Lin-Manuel Miranda, n’auraient pas reçu les mêmes forces créatrices. » Il ajoute : « Le livret de Wonderful Town provient d’un film des années 50, qui faisait se dérouler l’action en 1935. Cette histoire est du coup très surannée, sauf la musique bien entendu. Le fond de l’histoire c’est New York, une ville qui change perpétuellement. Donc l’évidence s’est faite rapidement : présenter une version d’aujourd’hui, un spectacle très contemporain, qui puisse rendre un hommage à la modernité de Big Apple. »

Un très bel exemple  de métissage artistique réussi, bien en accord avec la culture musicale nord-américaine, véritable melting pot d’influences porteuses de renouveau. A voir avec bonheur et plaisir. Le succès de la création française de Wonderful Town à l’Opéra de Toulon en 2018 a été confirmé par l’attribution du Grand Prix de l’Académie Charles Cros à son enregistrement DVD.

Jean François Principiano

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