Rencontre virtuelle la Périchole d’Offenbach

Encore tous les deux en convalescence d’un covid compliqué en voie de guérison, nous vous proposons une rencontre virtuelle à déguster chez vous, loin de tous les virus.

La Périchole pour les fêtes à Toulon

Jacques Offenbach (1819-1880)  pour les fêtes avec une de ses œuvres les plus souriantes.

La Périchole est un opéra bouffe en trois actes sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy inspiré de loin d’une pièce de Prosper Mérimée, Le Carrosse du Saint Sacrement (1828) et d’événements historiques. L’opéra fut représenté pour la première fois le 6 octobre 1868 à Paris, au Théâtre des Variétés dans une première version en deux actes avec l’incandescente Hortense Schneider puis dans sa version définitive en trois actes, le 25 avril 1874.

Une version dynamique et modernisée

« Dès le lever de rideau, le rythme (saccadé) est donné : tous les personnages semblent empressés, compressés, dépassés par le tumulte de la vie citadine (pseudo-)péruvienne et par l’urgence d’une intrigue qui avance implacablement vers son dénouement sans qu’il ne soit donné au public le temps de reprendre son souffle. Une énergie appréciable alors que le metteur en scène défend dans ses propos un aspect trouble et ombrageux du livret, qui se reflète dans le décor sombre de Chantal Thomas, entre demi-obscurité de la ville et opacité des miroirs du palais mettant en scène une austérité politique avec ces immenses bannières à l’effigie du tyrannique vice-roi.

Les airs de Périchole, ô combien émouvants, le désespoir de Piquillo, ou encore le désarroi pathétique du vice-roi cèdent le pas à une succession de sketchs très bien agencés. Leur répétition sont pimentées par des trouvailles particulièrement réjouissantes comme les interventions remarquées des dames de la cour à l’acte II, sorte d’énorme banc de truites argentées aux mimiques d’héritière capricieuse, ou encore, lorsque le vice-roi ordonne à la cour de poursuivre Piquillo, les courtisans incapables ne pouvant que répéter mot pour mot ce que dit le vice-roi. » (Olyrix)

Une nouvelle de Prosper Mérimée (1803-1870)

Prosper Mérimée avait publié en 1828 un recueil de petites pièces, intitulé Théâtre de Clara Gazul. L’une d’elles, « Le carrosse du Saint-Sacrement », met en scène une comédienne fameuse de Lima, la Périchole. Cette actrice a reçu de son amant, le vice-roi du Pérou, un magnifique carrosse avec lequel elle se rend à l’église, ce qui scandalise toute la population. Peu après, la jeune femme, pour apaiser les esprits, fait don du carrosse à la cathédrale pour le transport du Saint-Sacrement.

Jacques Offenbach (1819-1890)

Jacob Offenbach est né à Cologne (Allemagne) en 1819 dans une modeste famille juive, qui doit la citoyenneté à Napoléon. En effet son père, Isaac Juda Eberst, avait en 1800 quitté sa ville natale d’Offenbach sur le Main pour s’installer à Cologne, ville faisant alors partie de la Confédération du Rhin, état satellite de l’Empire où il adopta comme nom de famille Der Offenbacher, puis simplement Offenbach, la loi française obligeant les juifs à avoir un patronyme stable en contrepartie de la citoyenneté.

Il devient relieur et professeur de musique et de composition. Par la suite il est cantor à la synagogue de Cologne. Jacques Offenbach son dernier fils révèle très jeune des dons pour la musique et le violoncelle. Son père l’envoie poursuivre ses études musicales à Paris. À 14 ans, il est admis dans la classe de violoncelle du Conservatoire et débute sa carrière de soliste virtuose très rapidement.

Il rejoint l’orchestre de l’Ambigu-Comique (qui s’appellera plus tard l’Opéra-Comique). Chef d’orchestre en titre de la Comédie française en 1850, il est vite apprécié pour ses « petites » compositions : valses, romances, arrangements et petites formes lyriques à trois personnages comme la loi l’imposait pour ne pas faire de concurrence aux théâtres lyriques officiels.

En 1855, il ouvre enfin son théâtre, les Bouffes-Parisiens, afin d’y représenter ses propres œuvres avec la bénédiction de Napoléon III qui sera un de ses grands admirateurs.

Influencé par Rossini et Mozart, il invente l’opéra bouffe français à l’humour débridé et à la satire mordante, avec la complicité des excellents librettistes Henri Meilhac et Ludovic Halévy.

Entre 1858 et 1869, Orphée aux Enfers (1858), La Belle Hélène (1864), Barbe-Bleue (1866), La Vie parisienne (1866), La Grande-Duchesse de Gerolstein (1867), La Périchole (1868) ou encore Les Brigands (1869) font les beaux soirs du Théâtre des Variétés et la célébrité du compositeur en enthousiasmant le public du Second Empire, avide de plaisirs et de dérision.

Il obtient la nationalité française en 1860. Après la chute du Second Empire, les Parisiens de la Troisième République se montrent moins favorables à ce genre et Offenbach se tourne alors vers la féerie, tout en se consacrant à son testament musical, Les Contes d’Hoffmann, qui sera créé quelques mois après sa mort, survenue en 1880. Il est enterré au cimetière de Montmartre et son tombeau a été réalisé par Charles Garnier, l’architecte de l’Opéra de Paris.

Le livret de la Périchole

À Lima, possession espagnole, le vice-roi du Pérou représentant le pouvoir colonisateur, sort s’encanailler incognito – croit-il – en se mêlant au bon peuple. Deux chanteurs des rues, la Périchole et son amant Piquillo n’ont guère de succès, même pas l’argent pour se marier. Alors que Piquillo s’éloigne, la Périchole s’endort pour tromper sa faim. Le vice-roi, subjugué par sa beauté, lui propose de devenir dame d’honneur au palais. La Périchole n’est pas dupe mais au comble de la faim, elle accepte et rédige une lettre d’adieu à Piquillo. Le malheureux, désespéré, veut se pendre. Heureux hasard, il est sauvé par le premier gentilhomme de la cour qui cherche un mari à la future favorite du vice-roi pour sauver les apparences. Après avoir été rassasiés l’un et l’autre d’un repas très arrosé, le mariage est célébré, sans que Piquillo n’ait réalisé l’identité de son épouse…

Lorsqu’il comprend la situation et se révolte il est emprisonné dans le cachot des maris récalcitrants.

Quelques temps après, la Périchole vient visiter Piquillo en prison. Après un mouvement d’humeur de sa part, elle l’informe qu’elle n’a pas cédé aux avances du vice-roi, et qu’elle va corrompre le geôlier pour le faire évader. Celui-ci se présente mais n’est autre que le vice-roi déguisé, qui les fait enfermer tous les deux. Une fois ces derniers laissés seuls, un vieux prisonnier les fait évader par le tunnel qu’il a creusé.

Les trois évadés se retrouvent en ville, mais sont identifiés par une patrouille qui les conduit devant Don Andrès. La Périchole et Piquillo chantent leurs malheurs, ce qui attendrit le vice-roi. Magnanime, il les laisse se marier et avoir des enfants qui grandiront, car ils sont espagnols…

Les caractéristiques musicales de l’œuvre

Le personnage de La Périchole aurait réellement existé ; elle se nommait Micaëla Villegas et vivait au XVIIIe siècle. Un jour qu’elle avait été impertinente avec le vice-roi du Pérou, son amant, ce dernier l’aurait traité de « Perra chola » (chienne d’indigène), expression qui serait à l’origine de son surnom.

La courte ouverture dédiée à tout l’orchestre est construite sur une juxtaposition des thèmes qui mettent le spectateur dans l’ambiance et dont certains seront repris dans les scènes suivantes.

C’est sans interruption que s’enchaîne le chœur initial marquant l’approbation collective d’un peuple à son souverain, d’autant plus que c’est le gouvernement qui organise les réjouissances… La scène offre un tableau collectif toujours en mouvement constitué d’une foule chamarrée de Péruviens et Péruviennes et des trois cousines qui vont et viennent entre les tables pour verser à boire. Le ton est joyeux, le rythme est dansant, la mélodie est simple, de tournure populaire par ses répétitions, sa déclamation syllabique, et son ambitus réduit.

Dans la chanson des trois cousines, la mesure passe à trois temps, l’écriture orchestrale privilégie la légèreté avec le timbre de la flûte, les pizzicati et la nuance piano pour les couplets. C’est successivement Guadalena, Berginella, puis Mastrilla que l’on entend chanter. L’écriture soliste alterne avec le chœur qui reprend le refrain.

Le couple de chanteurs des rues entre en scène. La Périchole entonne la complainte de la Jeune Indienne tandis que Piquillo l’accompagne à la guitare.

La partie de guitare est ici figurée par les accords répétés des cordes en pizzicati ; la mélodie prend une tournure exotique avec l’emploi d’une note étrangère, le si bécarre en appoggiature. Les paroles s’appuient sur un rythme de marche fortement marqué avec les ponctuations des cordes, les motifs de sonnerie aux cuivres. Le refrain dont le côté bouffe est à souligner (espagnol, gno, gno, gno, … gnol), reprend la mélodie du deuxième thème de l’ouverture. Le texte de Meilhac et Halévy est particulièrement savoureux.

« Le conquérant dit à la jeune Indienne tu vois, Fatma, que je suis ton vainqueur mais ma vertu doit respecter la tienne, et ce respect arrête mon ardeur. Va dire, enfant, à ta tribu sauvage, que l’étranger qui foule ici son sol a pour devise : Abstinence et courage ! On sait aimer, quand on est Espagnol ! »

À ce discours, la jeune Indienne, émue, sur son vainqueur soulève ses beaux yeux ; elle pâlit et chancelle à sa vue, car il lui plaît, ce soldat généreux. Un an plus tard, gage de leur tendresse, un jeune enfant dort sous un parasol…Et ses parents chantent avec ivresse : Il grandira, car il est Espagnol ! »

Personne n’a versé un sou pour la chanson. Piquillo part à la recherche d’argent, et la Périchole s’endort. C’est alors que le vice-roi l’aperçoit et tombe amoureux. Il lui propose de devenir dame d’honneur. Consciente des périls qui s’y attachent, la Périchole est toutefois assez affamée pour accepter l’offre, et laisse une lettre à Piquillo. Une jolie romance qui montre la délicatesse de l’inspiration d’Offenbach. Paraphrase du texte de l’Abbé Prévost dans Manon Lescaut (1731), la lettre de la Périchole est sans doute un moment privilégié de la partition. Dans un tempo Andante et en mi bémol majeur, l’air reprend le troisième thème de l’ouverture.

Puisqu’il faut que la favorite du vice-roi soit mariée, le comte Miguel choisit Piquillo qui, ayant trouvé la lettre de la Périchole, a tenté de se suicider. Apprenant le rôle auquel on le destine, il résiste jusqu’à ce qu’on le soûle copieusement. D’ailleurs, on a fait de même avec la Périchole.

En écho au caractère festif du chœur initial, l’ariette de la Périchole « je suis un peu grise » illustre la tendresse innocente du personnage. Ce morceau est souvent interprété par les mezzos par exemple Elena Garança. La mesure à trois temps est très mobile, l’orchestre semble suivre les pas titubants de la Périchole. La mélodie alterne les chromatismes et le phrasé marque un accent sur certaines syllabes évoquant des hoquets (« ex-tra-ordi-nai-re »), tandis que la mélodie descendante prend l’allure d’un refrain.

Après avoir fait de sa maîtresse un portrait bien amer et l’avoir rejetée, Piquillo est amené dans le cachot dédié aux maris récalcitrants. Il finit par s’endormir.

Peu de temps après la Périchole s’introduisant dans le cachot, le réveille afin de le consoler. Tout semble débuter comme dans l’air précédent « Ah ! Que les hommes sont bêtes », pourtant malgré les défauts accumulés, la Périchole chante son amour pour le saltimbanque :

« Tu n’es pas beau, tu n’es pas riche, tu manques tout à fait d’esprit ; tes gestes sont ceux d’un godiche, d’un saltimbanque dont on rit. Le talent, c’est une autre affaire tu n’en as guère, de talent…De ce qu’on doit avoir pour plaire tu n’as presque rien, et pourtant…Et pourtant…Je t’adore brigand, j’ai honte à l’avouer ; je t’adore et ne puis vivre sans t’adorer. »

Tout se précipite lorsque Piquillo et la Périchole ainsi qu’un vieux prisonnier réussissent à se libérer des geôles du Vice-Roi.

À la recherche de Piquillo et de la Périchole les patrouilles des soldats du Vice-Roi se succèdent sur la place de Lima. Ce chœur est construit sur une pulsation binaire et une instrumentation soulignant le caractère martial avec la caisse claire, la trompette puis les cuivres et les bois de la petite harmonie.

On remarquera la scansion du texte et ses nombreuses répétitions. Après une courte transition sous forme de sonnerie, on bascule alors dans la parodie avec une pulsation ternaire, et des militaires qui sont la cible des railleries de la foule qui comprend que ce peloton n’attrapera jamais aucun prisonnier : « l’attrap’ra, l’attrap’ra, l’attrap’ra pas ! ».

Mais voici Piquillo et la Périchole. Ils chantent une complainte : « La clémence d’Auguste » qui n’est autre que le récit de leurs malheurs. Attendri, Don Andrés pardonne aux deux amoureux. Piquillo et la Périchole peuvent quitter Lima, enrichis des cadeaux que le vice-roi avait fait à la jeune femme. L’œuvre s’achève dans un tourbillon choral d’où s’échappent les principaux thèmes constitutifs des personnages et une péroraison qui vante le pardon, l’amour, la liberté et le bonheur collectif.

Ce lieto fine coloré d’espagnolade nous a semblé de circonstance pour illustrer la Semaine Internationale du Bonheur.

« Nous vous quittons ainsi que l’hirondelle, vers d’autres cieux nous prenons notre envol. Mais, en partant, reprenons de plus belle Il grandira, car il est Espagnol ! Il grandira, car il est Espagnol ». Hommage ironique et tendre à l’impératrice Eugénie de Montijo d’origine espagnole, deux ans avant la chute du Second Empire.

Le sens de l’œuvre

Il y a dans La Périchole un petit parfum d’humour juif mêlé à la satire politique dans un Pérou reconstruit par la fiction. Pour le public européen, ce côté parodique faisait écho avec une ironie malicieuse aux fausses notes du règne de Napoléon III à la fois autoritaire, populaire et nationaliste.

En 1868 au moment où triomphait la Périchole, le Second Empire vacillant, hanté par le spectre révolutionnaire, venait de s’abîmer dans sa tentative manquée de renverser une république et de mettre en place un empire latin au Mexique… Entre fiction et actualité, les patrouilles d’Offenbach et de Napoléon III divaguaient en chœur…La Périchole hésite et balance entre rire et mélancolie, gravité et burlesque dans un onirisme qui se joue des dissonances du réel. Son humour agit sur nous comme un désinfectant idéologique. On pense alors à Groucho Marx, lorsque Offenbach met en musique l’outrance infantile et l’équilibre maladroit d’un pouvoir chancelant et que le chœur populaire chante malicieusement : « C’est lui, c’est notre vice-roi, nous le reconnaissons très bien mais il faut qu’il n’en sache rien… »  ou que le vice-roi fringant entonne à son tour « sans en souffler mot à personne, par une porte du jardin, laissant là-bas sceptre et couronne, je me suis sauvé ce matin, incognito… ».

Entre les notes dansantes d’Offenbach, la Périchole se faufile dans les décalages burlesques et tragiques qui existent entre amour, société et réalités contraignantes du pouvoir.

Il y a dans La Périchole, œuvre follement humaine, un insatiable besoin d’aimer et d’être aimé qui se décline avec toutes les tonalités possibles : désir, tendresse, passion, rejet, affection… De la tragédie intime de « La Lettre » à la comédie grotesquement ambiguë du « rondo des maris récalcitrants », l’œuvre n’échappe à aucun sentiment, aucun fantasme, aucune fantaisie pour le bonheur du spectateur.

Offenbach avait comme profession de foi : « j’ai du succès parce que je suis le miroir des sentiments du public. » Malheureusement pour lui après la guerre de 1870 le reflet qu’il renvoie au public est en décalage avec le dolorisme de la France vaincue. L’œuvre qui a été applaudie en 1868 fut boudée en 1875.

Offenbach en fut personnellement affecté et dépensera toute son énergie pour (re)faire sourire les Français mais le cœur n’y était plus. Il se tournera in extrémis vers le grand Opéra avec les Contes d’Hoffmann qu’il ne pourra même pas achever. Rongé par le diabète, il dictera ses dernières volontés à un petit cercle d’artistes « les seuls qui m’ont compris ».

À ce propos on peut revoir avec bonheur le beau film de Jean Renoir « le Carrosse d’or » avec Anna Magnani qui cite mot pour mot Prosper Mérimée et donne la clef pour comprendre la nostalgie qui se dégage de la partition : « Tu n’es pas faite pour ce qu’on appelle la vie, ta place est parmi nous, les acteurs, les acrobates, les mimes, les clowns, les saltimbanques. Ton bonheur, tu le trouveras seulement sur une scène, chaque soir, pendant deux petites heures en faisant ton métier d’actrice, c’est-à-dire en t’oubliant toi-même. »

C’est pourquoi, on peut dire que la Périchole célèbre d’une certaine façon les artistes libres. Légère et terriblement vivante, sa musique amoureuse et sensuelle bouleverse et ouvre en même temps les portes des prisons, ébranle, quoi qu’il en coûte, les pouvoirs et nous emporte de scènes en scènes, émus et lucides à la fois.

Jean-François Principiano et Elya Weismann

La Périchole | Offenbach – YouTubeOffenbach dans toute sa splendeur : une partition vive et colorée par le duo Marc Minkowski et Laurent Pelly.13 au 27 novembre 2022En savoir plus :https://go...www.youtube.com

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