Bartók et Brahms au Maggio Fiorentino lors du Voyage d’Opéravenir à Florence du 18 au 22 février.

Zubin Mehta et Yefim Bronfman

Puissance et virtuosité

Le Maggio Fiorentino propose le 18 février à 20h à la Nuova Sala del Maggio un grand concert symphonique avec deux stars de la musique classique le pianiste Yefim Bronfman et le chef d’orchestre Zubin Mehta

Le concerto n° 2 pour piano de Bela Bartok

Le Concerto pour piano no 2  date des années (1930-1931) C’est l’une des partitions  les plus accessibles du compositeur, et cependant l’un des concertos pour piano les plus difficiles du répertoire. Il a été  créé le 23 janvier 1933 à Francfort sous la direction de Hans Rosbaud  avec Bartok au piano- un événement particulièrement notable, puisque ceci a marqué sa dernière apparition en  l’Allemagne Bartok. Fraicheur de l’inspiration, lyrisme de la partie pianistique rythme et élan caractérisent l’œuvre.

La structure est symétrique – rapide-lent-rapide-lent-rapide – dans la manière de Bartók qui utilise une forme en arche. Le premier mouvement, indiqué allegro, offre un pianisme martelant et  ponctuant. L’allure rythmique et le mouvement de gammes fragmentées suggèrent l’influence d’Igor Stravinsky, et du ballet Petrouchka (1910-1911) en particulier. L’instrumentation trahit pareillement l’affinité de Bartók avec Stravinsky. Les cordes font leur entrée au début de l’adagio du deuxième mouvement. Nettement différent du précédent, ce mouvement central commence par un lent choral indiqué par les cordes dans des quintes parfaites empilées. Après cette première section de choral, le piano entre, accompagné seulement par les timbales – un martèlement instrumental peu commun, qui illustre à la perfection l’emploi fréquent par Bartók du piano comme prolongation de la famille des percussions. La section centrale de ce mouvement, signalée par un changement de tempo devenant un Presto, est extrêmement rapide  sautillante et légère. Le mouvement s’achève en boucle par un retour au tempo lent initial et la réapparition des motifs du début du mouvement. Le troisième mouvement est une variation libre sur le premier, auquel il ressemble de par la cadence et sa forme mélodique. Il se dégage de l’œuvre une impression de passion et de force vitale extraordinaire. L’implication du soliste doit être  totale.

Yefim Bronfman

Yefim Bronfman est né le 10 avril 1958) à Tachkent (Ouzbékistan), citoyen israélien depuis l’âge de 15 ans et américain depuis 1989.

Formé par Serkin, Fleischer et Firkusny, Yefim Bronfman est, à 64 ans, une star dans le monde entier. En France, il est trop rare. Un rien austère chez les « classiques », il déclenche des tsunamis pianistiques chez Rachmaninov ou Prokofiev.

Yefim Bronfman compte parmi les virtuoses actuels les plus talentueux. Son impressionnante technique et son don lyrique exceptionnel lui ont permis d’être acclamé par la critique et de toucher une audience enthousiaste dans le monde entier, notamment grâce à ses récitals, ses collaborations avec des orchestres prestigieux, et son large catalogue d’enregistrements.

En Amérique du Nord, il a travaillé avec le Metropolitan Opera Orchestra au cours de l’une de ses fréquentes visites à Carnegie Hall, dirigé par Fabio Luisi.  Il travaille aussi régulièrement avec de célèbres chefs-d ‘orchestre tels que Daniel Barenboim, Herbert Blomstedt, Christoph von Dohnányi, Charles Dutoit, Christoph Eschenbach, Valery Gergiev, Mariss Jansons, Lorin Maazel, Kurt Masur, Zubin Mehta, Esa-Pekka Salonen, Yuri Temirkanov, Franz Welser-Möst et David Zinman. « Bronfman le brontosaure ! » et « un homme qui a la stature de celui qui va déménager le piano, plutôt que d’en jouer ». C’est en ces termes que Philip Roth décrit le pianiste Yefim Bronfman dans son ouvrage The Human Stain. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Bronfman a de la puissance à revendre, mais lorsqu’il le faut, il est capable de faire preuve d’une surprenante légèreté. Preuve en est ce concert.

La 4 ème symphonie de Brahms

Après une intense année de concerts dans lesquels il dirige ses œuvres, Johannes Brahms part se reposer en Italie puis s’installe au calme pour l’été 1884 dans les montagnes d’Autriche. Il y compose de nombreuses pièces vocales (lieder, romances). À l’automne, il rentre à Vienne où sa Symphonie n° 4 voit rapidement le jour. Johannes Brahms, représentant de la dernière période du romantisme allemand, donne à entendre avec cette quatrième et dernière symphonie une œuvre pathétique au matériau thématique dense. En effet, le compositeur produit des œuvres amples en partant d’une idée simple. C’est ce que l’on appelle en musique la technique du développement, technique à la base d’une grande part de la musique savante occidentale. Mais une telle œuvre nous place face au crépuscule de cette tradition, et l’aube du XXe siècle verra naître une révolution du langage musical.

Les premier et dernier mouvements sont particulièrement soumis à cette logique de germination musicale : d’une graine (l’idée initiale : un court motif mélodico-rythmique) naît un arbre (un mouvement entier voire une symphonie entière).

Dans le premier mouvement, au tempo allant mais au caractère contenu, tout se joue avant la fin de la deuxième mesure. Sont déjà présents, en germe, les développements mélodiques et harmoniques ultérieurs, autrement dit les dimensions horizontale et verticale de la partition. Deux éléments sont à repérer : deux intervalles qui sont la tierce descendante et la sixte ascendante. Ainsi, la mélodie, cette phrase que l’on retient et que l’on peut fredonner ou siffler, progresse de manière disjointe, par sauts entrecoupés de silence. S’en dégage une impression de soupirs mélancoliques, renforcée par les échos renvoyés par les bois aux violons.

Le second groupe thématique, où l’intervention des vents tient de la fanfare, est contrastant par rapport à l’ambiance tamisée et pathétique des premières mesures.

Cette dualité dans les nuances, le caractère propre à chaque groupe ainsi que la logique de transformation permanente des énoncés mélodiques servent de dynamique, de moteur au mouvement. L’auditeur progresse avec l’orchestre vers un sommet qui, dans la partie terminale de ce premier mouvement qu’on nomme coda, scelle la prééminence du premier thème sur le second et l’atmosphère générale de la symphonie, à savoir le pathétique.

Le deuxième mouvement ne répond pas à la même logique compositionnelle : pas de développement ici mais une alternance de deux thèmes à l’allure différente. Le premier est solennel, présenté successivement par les cors, puis les bassons et hautbois, et enfin les flûtes. Les pizzicatos des cordes nous emmènent ensuite dans plus d’intimité.

Le second thème, quant à lui, est plus doux : il suspend le temps, chanté par les violoncelles au son velouté dans le registre aigu.

Faisant suite à une longue première page sentimentale empreinte de tristesse, ce mouvement apporte un moment de repos, refusant le déploiement des idées sombres du premier, préférant l’exposé simple de deux idées musicales qui dialoguent sans heurt. La mélancolie s’exprime ici sur le ton paisible de l’évocation de souvenirs heureux.

Le troisième mouvement, aux sections très contrastées, se présente comme un divertissement enlevé. Si cette musique est toujours sérieuse, elle n’en évoque pas moins la musique populaire. Le premier thème, joué tutti, nous place immédiatement dans une atmosphère joyeuse.

Le deuxième thème, emmené par les violons, apporte un moment d’alanguissement avant le retour de la fête. Au sein de l’orchestre, l’utilisation de la flûte piccolo, très aiguë, et du triangle, instrument à percussion au son aigu et cristallin, contribue à créer une ambiance de fête. Le mouvement se termine dans une grande joie, emportée par les interventions percutantes des timbales et du triangle.

C’est la première et dernière expression de joie pleine et entière avant l’éclatement sombre et tragique de la voix du compositeur dans le quatrième et dernier mouvement.

Plus de triangle dans ce finale mais trois trombones dont le timbre est propice à suggérer une ambiance sinistre. Brahms reprend la technique d’écriture utilisée dans le premier mouvement. Cette fois, le point de départ musical est une ligne mélodique conjointe de huit mesures empruntée à Jean-Sébastien Bach. Cette mélodie est énoncée en valeurs longues par tous les instruments à vent à l’unisson, ce qui provoque un effet saisissant.

Au fil du mouvement, ce thème sera joué et répété inlassablement trente fois ! Malgré un fort sentiment de permanence évoquant le caractère implacable du destin, le renouvellement de la mélodie est constant grâce au jeu de variations sur l’orchestration et le rythme, qui contribue à façonner des ambiances diverses. De plus, les intervention des timbales permettent de suivre le déroulement du mouvement en ponctuant ses différents épisodes, ménageant suspens et sommets dramatiques.

Il se dégage de l’œuvre un sentiment de puissance maîtrisée et de montée  vers une ampleur rayonnante  irrésistible.

Zubin Mehta

Zubin Mehta naît à Bombay le 29 avril 1936 dans une famille de grands musiciens (son père est violoniste, fondateur et chef de l’Orchestre symphonique de Bombay). Il abandonne des études de médecine pour se consacrer à la musique à Vienne, ville dans laquelle il fait ses débuts de chef d’orchestre en 1958.Sa carrière est ensuite fulgurante : à 24 ans, Zubin Mehta est nommé directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal, et deux ans plus tard aux mêmes fonctions prestigieuses à Los Angeles (1962-1978). Dès 1961, alors seulement âgé de 25 ans, Zubin Mehta remplace au pied levé le chef de l’Orchestre Philharmonique d’Israël, Eugene Ormandy, victime d’une maladie. ZubinMehta fait ses débuts de chef à l’opéra avec Tosca (Puccini) à Montréal en 1963. Cette collaboration réussie et son prestige l’amènent à diriger son premier opéra au Met en 1965, un Aïda de Verdi (avec des interprètes de tout premier plan, tels que Gabriella Tucci, Franco Corelli mais aussi Rita Gorr). Les plus grands théâtres font dès lors appel à ses services. Ce jeune au talent fou impressionne au point que l’Orchestre Philharmonique d’Israël le nomme Conseiller musical en 1969, puis directeur artistique en 1977 (un poste qu’il se voit réserver à vie, dès 1981). En 1979, il dirige à Florence le Ring de Wagner (une Tétralogie qu’il reprend à Munich en 1999, puis entre 2007 et 2009 avec le Festival annuel del Mediterrani à Valence qu’il préside de 2006 à 2014). Ses tournées mondiales sont remarquées, notamment les voyages qui lui tiennent à cœur dans son pays indien natal avec l’Orchestre philharmonique de New York en 1984, et 10 ans plus tard avec l’Orchestre philharmonique d’Israël. En 1990, Zubin Mehta dirige aussi le traditionnel concert du Nouvel An de Vienne (il y revient en 1995, 1998, 2007 et 2015). Il dirige à Rome le premier concert des trois ténors (Plácido Domingo, José Carreras et Luciano Pavarotti) avec l’Orchestre del Maggio Musicale de Florence et l’Orchestre de l’Opéra de Rome.

Jean François Principiano

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