Comment naissent les tyrans?

À l’Espace  Comedia de Toulon Caligula de Camus

By TV83.info -Mar 24, 20220

La Fabrique des tyrans
Événement théâtral à Toulon  vendredi 25 mars  la grande pièce de Camus Caligula  par la talentueuse Cie des perspectives qui a eu un grand succès en Avignon. A ne pas manquer.  Bonne pioche d’André Neyton.

Un thème éternel : la folie du pouvoir
Caligula, prince relativement aimable, s’aperçoit que le monde n’est pas satisfaisant. Devenu empereur il récuse alors l’amitié, l’amour, la simple solidarité humaine. Il laisse libre cours à la perversion de toutes les valeurs de la société, ange désormais déchu il devient méchant, rageur, détestable, d’une versatilité et d’une imprévisibilité totale. Camus analyse la montée du mal dans les actes d’un dirigeant. Un étrange et troublant télescopage avec l’actualité

L’homme est capable du meilleur et du pire
À la mort de Drusilla, sa sœur et sa maîtresse, l’empereur Caligula, aimé de son peuple, disparaît pendant trois jours. Lorsqu’il réapparaît, il a terriblement changé : amis, maîtresse, dignitaires et fonctionnaires doivent désormais faire face à un tyran qui ne supporte ni contradictions ni contradicteurs. « J’aime le pouvoir car il donne ses chances à l’impossible. » Mais la passion de l’impossible, la quête d’une liberté absolue ne sèment que fureurs, ravages et destructions.

Un personnage ambigu
Caligula, inspirée de Suétone, est une pièce écrite en 1939, publiée en 1944 et créée à Paris en 1945 avec Gérard Philippe dans le rôle-titre. Elle met en scène donc un homme de pouvoir confronté à l’imminence de la mort. Devant une telle vérité, son pouvoir est aussi impuissant que celui du commun des mortels. Dans le but de se révolter contre  le destin, il recherche l’impossible, renverse toutes les valeurs, s’octroie la liberté extrême. En bref, Caligula nous présente un tyran qui se moque de tout ce qui donne un sens à la vie comme l’amour, l’art, la religion, et qui ensuite se laisse assassiner en montrant que la mort est de toute façon absurde et que tout le monde est d’avance condamné. Peut-être que le mensonge et le cynisme sont nécessaires à notre survie. Caligula défend ainsi l’impossibilité de vivre avec la dure réalité : comment vivre dans un monde où tout n’est que mensonge ?

Drôle jusque dans sa folie
Pièce sombre et interrogative le Caligula de Camus est d’autant plus cruel, cynique et manipulateur qu’il sait être drôle, tendre et sensible. Autour de ce personnage fascinant se joue le drame d’une humanité asservie à la volonté d’un chef implacable et pourtant terriblement seul. Le spectacle veut rendre compte de cette dualité et il incite à prendre parti car si l’histoire ne se répète pas, les comportements, eux, se reproduisent. On pense immédiatement à l’actualité et à certains de ses acteurs.

Caligula a été pensé comme une des parties de la trilogie que l’écrivain appelle lui-même « le cycle de l’absurde », s’insérant entre L’Étranger et Le Mythe de Sisyphe. Grâce à des genres différents, Camus a approfondi la notion qui était, avant la guerre, au cœur de sa réflexion philosophique. Homme de théâtre par vocation, il indique ainsi que la scène lui offrait un moyen d’illustrer ses inquiétudes. La guerre en Europe entre la Russie et l’Ukraine nous amène  à penser que ses conclusions restent en partie toujours  valables.

Espace Comedia Vendredi 25 mars  20h45 Caligula d’Albert Camus. Texte complet. Mise en scène : Bruno Dairou, Edouard Dossetto Avec : Pablo Chevalier, Edouard Dossetto, Josselin Girard, Céline Jorrion, Antoine Laudet, Antoine Robinet. Création lumière : Arnaud Barré Régisseuse : Héléna Castelli Scénographie : Pierre Mengelle.

Réservation :
En ligne: http://www.espacecomedia.com
Tél : 04.94.42.71.01
Mail : contact@espacecomedia.com

Jean François Principiano