Fidelio dimanche 22 janvier Operavenir à l’Opéra de Nice

Fidelio de Beethoven la liberté par l’amour !

L’Allemagne et le monde de la musique célébrèrent en 2020 le 250ème anniversaire de la naissance de Ludwig van Beethoven (1770-1827). Plus  de 800 festivités  étaient prévues à cet effet mais elles ont été mises à mal par la crise sanitaire du Cororona virus.

Qu’à cela ne tienne! Opéravenir vous propose  de rendre un hommage au  maître en organisant après la pandémie une sortie à l’Opéra de Nice pour découvrir ce chef d’œuvre, Fidelio dimanche 22 janvier 2023 dans la belle production moderne de Cyril Teste venant du Théâtre des Champs Elysées.

Le  thème est hors du temps c’est-à-dire éternel sub specie eaternitatis comme dirait Spinoza, il remonte aux sources des valeurs  en posant la question essentielle.

Qu’est-ce que l’amour sans la liberté ?
Un jeune révolutionnaire emprisonné, la bravoure de sa femme qui fait tout pour le sauver, l’injustice de la condamnation à mort qui semble inéluctable : voilà ce qu’il fallait pour motiver le romantique Beethoven à composer son seul opéra. À la fois singulière et  universelle, c’est toute la complexité de la personnalité de Beethoven qui s’exprime dans cette œuvre dramatique. Homme de génie mais tourmenté par son infirmité, la surdité, il rechercha  toute sa vie la reconnaissance  d’un public  qu’il méprisait connaissant ses limites et ses faiblesses. Membre de la franc-maçonnerie initiatique viennoise, il assuma dans son œuvre son sens de la liberté intérieure malgré les contraintes d’une vie affective dans l’ensemble marquée par l’échec.

Le contexte de la création
Écrit en 1803, inspiré du drame du Français Jean-Nicolas Bouilly, Fidelio fut censuré par deux fois par les autorités de Vienne. Une femme qui libère son mari ! Mais le compositeur ne renoncera jamais, malgré les divers remaniements qu’il devra effectuer, au caractère subversif de son opéra. L’œuvre au début n’eut aucun succès. On reprocha même au compositeur d’être un vieux garçon qui chantait l’amour sans le connaître réellement.

Et puis la création en 1805 se passa mal : Vienne était occupée par les troupes françaises de Napoléon qui peuplaient la salle et Beethoven était mécontent de tout – du public, du chef, des interprètes. Plus tard, le compositeur reprit la partition qu’il renomma   Léonore. Il y eut un Léonore II, un Léonore III.

Finalement, l’œuvre fut reprise en 1814 sous le nom, cette fois,  de Fidelio et donnée pour les souverains restaurés de la vieille Europe qui tenaient congrès à Vienne après la défaite de Napoléon. La situation politique était exactement l’inverse de celle de la création. On insista alors sur le fait divers qui est à l’origine du livret. A l’époque révolutionnaire, une femme, travestie en homme, fut engagée comme geôlier d’une prison pendant la Terreur, et parvint à libérer son mari incarcéré. L’œuvre  fut perçue comme une critique de la Révolution française et de l’Empire. L’opéra entama ensuite  sa longue réhabilitation vers la reconnaissance du public et  de la critique. De nos jours Fidelio est plutôt considérée comme une dénonciation de la violence d’état. Cet opéra qui parle de liberté, de fidélité, d’idéalisme et de justice est un des plus forts du répertoire.

Une intrigue romanesque
Afin de libérer son mari Florestan (ténor), détenu en secret par Don Pizarro (baryton), cruel gouverneur de la prison d’Etat, Léonore (soprano) se déguise en homme et prend le nom de Fidelio : elle parvient ainsi à se faire embaucher par Rocco (baryton), le geôlier de la prison. Mais la fille de ce dernier, Marzelline (soprano léger), pourtant courtisée par Jaquino (ténor léger), tombe amoureuse de Fidelio. Les fausses idées de la fille et du père, persuadés de la réciprocité de cet amour, et le désarroi et la colère de Fidelio et Jaquino, sont chantés dans le célèbre et magnifique quatuor : « Mir ist so wunderbar ».

La visite du ministre Don Fernando (basse) est annoncée : il ne doit pas découvrir la détention de Florestan. Puisque Rocco refuse de tuer le détenu, Pizarro le force à creuser une tombe dans son cachot même, pour y mettre son corps après que le gouverneur lui-même l’aura tué.

Léonore obtient une courte sortie pour les prisonniers. Ces derniers expriment dans le fameux chœur « O welche Lust », la joie de respirer la lumière et un peu de liberté. Florestan n’est pas parmi eux : Léonore suppliera donc Rocco de l’accompagner dans le cachot secret.

Florestan, dans le noir et l’insalubrité de son cachot, pleure mais accepte son destin. Quand Pizarro descend pour le tuer, Léonore, dévoilant son identité, s’interpose et le menace de son pistolet. Grand  duo d’amour. Arrive le bon ministre Fernando qui chasse Pizarro. Dans un final grandiose s’apparentant à l’Hymne à la joie de la 9e symphonie, tous les personnages, de Jaquino à Rocco, rejoints par le chœur des villageois, célèbrent la liberté et le courage de Léonore, épouse exemplaire, qui libère elle-même son mari de ses chaines.

Le sens de l’œuvre
La victoire de l’amour conjugal sur la tyrannie est le thème central de Fidelio. Voilà sa cohérence interne et organique, même si l’ouvrage connut une lente maturation avec une première version qui vit le jour sous le nom de Léonore, en l’honneur de son héroïne qui incarne l’esprit de liberté et fidélité.

Par sa forme, Fidelio appartient au genre du singspiel allemand dont la particularité est de faire alterner dialogues parlés (et non des récitatifs) et chant. Cette forme dramatique jugée un temps dépassée est en fait très moderne et s’apparente aux séquences cinématographiques actuelles.

Fidelio, est  aussi une œuvre novatrice. Beethoven ne se contente pas d’exprimer son espoir pour l’humanité, dans l’esprit des lumières, il met aussi en place de nouvelles méthodes pour accompagner et mettre en valeur le texte en utilisant l’orchestre d’une manière totalement neuve.

Ici tout l’art de l’écriture pour orchestre du musicien s’y déploie avec majesté dès l’ouverture. Bien plus qu’un simple soutien vocal, l’orchestre beethovénien anticipe et porte l’expression des personnages à leur paroxysme en intégrant dans le domaine de l’opéra les innovations instrumentales et les couleurs harmoniques modernes du domaine symphonique.

Cet hymne à la liberté est également une partition redoutable pour les voix et une œuvre-pamphlet qui occupe aujourd’hui encore une place particulière par sa force et sa dimension « féministe » et politiquement engagée. Transmettre le sens de la dignité et du courage, la volonté d’être heureux et d’être juste, telle est la mission de cette partition unique.

Jean-François Principiano

Laisser un commentaire