La dame de Pique bientôt à Toulon

La Dame de Pique dévoilée

By TV83.info -Avr 12, 20220

La fin de la saison lyrique à Toulon sera russe avec cet opéra de Tchaïkovski programmé en mai. L’association Opéravenir et la Camerata cercle des amis de l’opéra de Toulon proposent une conférence de préparation mardi 26 avril à 15h maison de la Méditerranée. Entrée libre.

Cette belle partition de Tchaïkovski mise en scène par Olivier Py devait être savourée l’an dernier mais l’épidémie de Covid en avait décidé autrement. La production venue de Nice est donc très attendue cette année par tous les mélomanes varois, si l’actualité ne s’en mêle pas encore. La culture russe est actuellement victime d’un amalgame dépréciatif injustifié.

Une nouvelle de Pouchkine
Avec La Dame de pique crée en 1890 Tchaïkovski donne à la nouvelle de Pouchkine une dimension essentiellement romantique et héroïque. L’histoire traite à la fois d’un attrait fantastique pour le jeu et d’un amour contrarié, avec son lot d’obsession, de folie, d’excès, de destruction et d’attirance inexorable vers la mort. Le héros du récit, Hermann, a entendu une anecdote racontée par un de ses amis : une vieille comtesse, Natalia Pétrovna réussit à gagner à coup sûr au jeu grâce à une combinaison secrète de trois cartes. Hermann, qui n’a encore jamais joué aux cartes mais est fasciné par le jeu, est bientôt envahi par l’obsession d’arracher le secret de la vieille dame. Il séduit Lisa, dame de compagnie de la comtesse, pour pénétrer de nuit dans sa maison et l’effraie à tel point qu’il cause la mort de la vieille dame, sans toutefois lui avoir arraché le secret dont elle nie l’existence.

Après les funérailles, le spectre de la comtesse apparaît au jeune homme et lui indique les trois cartes gagnantes. Hermann gagne d’abord avec les deux premières, mais il perd avec la troisième. Croyant avoir un as, il n’a que la dame de pique. Le jeune homme devient fou sous l’effet de son cauchemar. Chef-d’œuvre de l’art fantastique selon Dostoïevski, et sans doute nouvelle la plus célèbre de la littérature russe, La Dame de pique est l’une des créations les plus originales de Pouchkine. Artistiquement parfait, écrit comme l’on abat des cartes, le récit est surtout une analyse, très aiguë et très brève, de l’obsession du jeune homme, une objectivation de son hallucination. Inspirée par des faits et personnages réels, mêlant fantastique et romantisme, l’auteur y réalise la fusion d’éléments réalistes avec d’autres de pure imagination où l’influence de E.T.A Hoffmann est évidente. La dame de pique signifie une malveillance cachée chez les cartomanciennes met en garde l’exergue du livre.

Une musique russe occidentalisée
Héritière de Mozart, la musique de cet opéra, composée à Florence ou Tchaïkovski était venu cacher (et vivre son homosexualité), est un mélange d’éléments français, italiens et russes. Tchaïkovski compose certaines parties, dans un style musical qu’il admirait par-dessus tout, celui de Mozart, auquel il avait déjà rendu hommage en 1887 avec la Suite n°4 Mozartiana. « Par moments, il me semble que je vis au XVIIIe siècle, et qu’après Mozart il n’y a rien eu » avait-il écrit un jour. C’est ainsi que l’Intermezzo,         La bergère fidèle de l’Acte II, comporte des citations du Concerto pour piano n°25 et de la Sérénade pour vents.

La construction dramatique n’échappe pas à cette influence, et à l’instar de Don Giovanni, les moments de tension sont entrecoupés de scènes de divertissements. Autre similitude, Hermann défie un spectre, celui de la Comtesse dont il a provoqué la mort en l’effrayant, au moment où il voulait lui soutirer le secret des trois cartes, censées lui apporter la fortune. La passion pour cette période s’exprime aussi lorsque la Comtesse se remémore son passé glorieux auprès de la marquise de Pompadour. Elle chante, en français, la romance de Laurette « Je crains de lui parler la nuit » de l’opéra Richard Cœur de Lion de Grétry, créé en 1784.

Le sens de l’œuvre
Le sens de l’opéra est un peu différent de celui de la nouvelle de Pouchkine. On passe du fantastique du XVIIIème siècle au dramatisme romantique de 1890. C’est l’accomplissement inéluctable du destin. Hermann, tout comme Carmen, sait dès le départ que la mort l’attend. Aux influences musicales occidentales, Tchaïkovski mêle la musique russe, qu’elle soit populaire ou religieuse. Il s’inspire de chansons, de cantates, du Requiem orthodoxe ou encore d’un chœur de l’opéra Le Fils rival de Dimitri Bortnianski créé en 1787. A l’Acte II, le chœur entonne l’hymne « Gloire à toi, Catherine. », extrait d’une strophe de la polonaise avec chœur « Retentis, tonnerre de la victoire », écrite en 1791 par le compositeur russe Ossip Kozlowski, et qui a eu pendant de nombreuses années valeur d’hymne national. Toujours à l’affiche aujourd’hui des opéras du monde entier, La Dame de pique est avec Eugène Onéguine l’autre chef d’œuvre et grand succès de Tchaïkovski, la parfaite illustration du fatum romain c’est-à-dire l’implacabilité de la force du destin.

Jean François Principiano

Conférence Présentation de l’opéra La Dame de Pique de Tchaïkovski mardi 26 avril 15h maison de la méditerranée rue du Commandant Infernet Toulon. Entrée libre.

Opéravenir 06 11 81 54 73

Laisser un commentaire