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CHAPITRE I b
INTRODUCTION HISTORIQUE

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I. L'origine de la pensée philosophique
        6. Platon
        7. Aristote
        8. Conclusion


6. Platon (427-347)

Platon (427-347)Platon (époque des guerres du Péloponnèse) est le premier philosophe ayant élaboré une théorie complète, c'est à dire un système qui recouvre avec cohérence les principaux secteurs ou branches de la philosophie. Cette théorie est contenue dans une oeuvre écrite qui nous est parvenue sous forme de 25 dialogues dont les plus connus sont l'Apologie de Socrate (reconstitution du discours de Socrate à son procès), le Ménon (sur la réminiscence), le Banquet et le Phèdre (sur l'amour et les idées), le Phédon (sur la théorie des idées), la République (la théorie des idées et la justice politique), le Parménide et le Sophiste (problèmes posés par la théorie de la participation), le Timée (la formation du monde) et les Lois. Le platonisme a exercé une influence longue et profonde, de la fin de l'Antiquité (le néoplatonisme de Plotin au 3è siècle après J.C. et la philosophie de Saint Augustin aux 4è et 5è siècles) à nos jours.

Chez Platon, les préoccupations disjointes, naturalistes et humanistes, de la pensée antérieure sont réunies. Son but est, comme pour Socrate, moral et politique : le salut de l'homme et la bonne organisation de la cité. Mais la réforme politique passe selon lui par la connaissance car il est, comme son maître, intellectualiste moral. Le problème de la connaissance doit être résolu dans son ampleur car Platon estime que la connaissance morale n'est pas étrangère à celle de l'homme et des choses de la nature. La solution du problème épistémologique (qu'est- ce que la connaissance vraie?), Platon va la rechercher par le moyen d'une métaphysique (qu'est-ce que l'être et, plus précisément, qu'est ce que l'être au sens le plus élevé et pas seulement sens physique du terme?). Cette métaphysique concerne d'une part ce que l'on peut connaître et, d'autre part, celui qui connaît.

La connaissance est reconnaissance de l'idée sous l'objet sensiblea. Pour ce qui est du premier aspect, le point de départ est que les choses sensibles, les choses matérielles que l'expérience nous livre, ne peuvent être de véritables objets de la connaissance. Connaître nécessite des mots (p. ex. "arbre") dont la signification (le concept ou idée d'arbre) est unique (alors que nous voyons des arbres multiples) et stable (alors nous voyons des arbres qui changent). Cela suppose que l'on reconnaisse, au-delà des objets de l'expérience, leur essence-forme-idée. De même, pour dire juste une action ou une règle, nous devons référer à une idée de justice que nous ne rencontrons jamais comme telle dans les actions ou règles plus ou moins justes ou injustes que l'expérience nous offre. De même encore, pour dire telle chose belle, nous nous rapportons à un modèle de beauté qui dépasse ce que nous voyons. La théorie de Platon devient métaphysique à partir du moment où elle dit que ces idées auxquelles nous pensons ne sont pas de simples notions intérieures que nous formons mais existent bel et bien indépendamment de nous. En clair, il existe un arbre en soi, un juste en soi, un beau en soi, etc. On peut appeler cela de l'idéalisme mais en entendant alors bien que c'est là un véritable réalisme des idées. Les idées sont des substances. Elles sont l'être authentique et la cause dont les choses sensibles ne sont que des effets, des ombres, des reflets, qui n'existent que par participation. Il y a par ailleurs aussi des liens de participation et une hiérarchie des idées entre elles (l'idée de neige participe à celle de la froideur et à celle de la blancheur, celle de changement participe à celle d'être et à celle de non-être, etc.) et, selon qu'elles sont plus ou moins parfaites, elles participent toutes à une idée suprême, le Bien.

b. Quant au sujet connaissant, s'il est capable de s'élever à l'intuition des idées et aux idées supérieures, c'est qu'il a une âme qui est en affinité avec elles. Puisqu'ici bas, nous ne voyons que des choses sensibles, cette intuition intellectuelle n'est possible que par le souvenir que l'âme conserve d'une existence antérieure dans le monde des idées. Ceci est la théorie de la réminiscence (connaître c'est se souvenir; ignorer, c'est avoir oublié), qui reprend en partie les croyances pythagoriciennes en la métempsychose. Cette théorie s'appuie sur une anthropologie dualiste : l'âme, non sensible et immortelle, est exilée dans un corps sensible et mortel; l'une est apparentée aux idées subsistantes, l'autre aux apparences sensibles. La connaissance est donc une conversion de l'âme, appelée dialectique, qui se détourne des corps, se tourne vers les idées et remonte vers l'idée suprême (cf. le mythe de la caverne dans la République). L'étude des mathématique est une bonne préparation parce qu'elle est un savoir indépendant de l'expérience.

c. La vie bonne et la cité juste découlent de l'intuition des idées parce que celles-ci participent à l'idée de Bien. Comme Socrate, Platon repousse le relativisme des sophistes et lui oppose l'intellectualisme moral. La justice, chez un individu, découle de la connaissance des rapports hiérarchiques qui unissent les parties de l'âme. L'âme est du fait de son union au corps, divisée en trois parties : la raison, la volonté, le désir; la première doit commander la deuxième et celle-ci la troisième. La justice dans la cité est semblable à la justice dans l'individu mais simplement écrite "en plus gros caractère" (remarquons au passage la méconnaissance platonicienne de la pluralité politique). Elle découle de la connaissance des rapports hiérarchiques des différentes classes. L'Etat est composé des magistrats, des guerriers et des travailleurs; les premiers doivent commander aux deuxièmes et ceux-ci aux troisièmes. Comme la justice est affaire de savoir supra-sensible, il est normal pour Platon que le philosophe gouverne. Cette conception n'est pas démocratique : le philosophe-roi, connaissant la cité idéale, organise la cité visible comme le ferait un architecte, c'est-à-dire sans avoir de comptes à rendre aux gouvernés.


7. Aristote (384-322)

Aristote (384-322)Aristote (époque d'Alexandre le Grand) est le deuxième à avoir élaboré une théorie complète, consignée dans une oeuvre écrite couvrant tous les domaines. Les principaux ouvrages sont Catégories, les Analytiques, les Topiques (tous trois forment l'Organon consacré à la logique), la Physique, De l'âme, la Métaphysique, l'Ethique à Nicomaque, la Politique, la Réthorique et la Poétique.

La plus grande partie de l'oeuvre fut ignorée de l'Occident chrétien jusqu'au 12ème siècle, moment où elle fut retrouvée grâce aux philosophes arabes qui l'avaient conservée et commentée. L'influence d'Aristote fut ensuite énorme, notamment au 13ème siècle chez St. Thomas d'Aquin, qui réussit une synthèse inégalée entre la philosophie païenne et la pensée chrétienne.

Argument du troisième hommeAristote fut élève de Platon, mais prit rapidement ses distances. Il refuse de tenir pour des substances les idées des choses de notre monde. On entend par substance ce qui est par soi et non dans quelque chose d'autre, comme c'est le cas pour un composant, une propriété ou un "accident" qui arrive à quelque chose. Aristotel critique l'arrière-monde des idées par l'argument dit du "troisième homme" : si l'on veut expliquer par une idée subsistante d'homme ce qui fait l'unité des hommes visibles, il faut aussi expliquer, par une deuxième idée subsistante d'homme ce qui fait l'unité de cette idée et des hommes visibles qu'elle explique  puis, par une troisième encore, l'unité de la deuxième et ce qu'elle explique, puis ainsi de suite à l'infini, ce qui n'explique finalement rien du tout.

Mieux vaut donc, dit Aristote restaurer la valeur des objets d'expérience : les idées ne subsistent pas à l'état séparé des choses sensibles  (du moins en ce qui concerne notre monde sub-lunaire) et celles-ci, les choses de notre expérience, sont des substances véritables (la substance étant définie comme ce qui est par soi-même). Les substances de notre expérience sont toutefois constituées chacune de deux co-principes : la matière et la forme. Cette théorie s'appelle l'hylémorphisme. Connaître ne requiert donc pas une intuition intellectuelle des essence subsistantes mais bien, simplement, un travail d'abstraction (aphairèsis) qui, à partir de l'observation et de la comparaison, dégage des choses sensibles la forme intelligible qu'elles contiennent. Ceci sera développé au chapitre suivant.

En matière morale et politique, Aristote prend pour guide la nature de l'homme (c est-à-dire sa forme ou son essence) telle que nous pouvons la connaître dans l expérience au moyen de l'abstraction. On découvrirait ainsi à la fois ce qu'il y a de spécifique dans la forme de l'homme et ce qui fait la finalité de l'homme : sa rationalité discursive. La sagesse et la justice en sont l'actualisation, respectivement dans la vie contemplative et dans la vie politique. En politique, Aristote rompt avec l'idée du philosophe-roi. La philosophie politique a plutôt un rôle analytique : examiner ce que les hommes veulent dire lorsqu'ils parlent de justice, étudier les comportements politiques, enquêter sur les constitutions des cités existantes et voir comment cela se rapporte à la nature de l homme.


8. Conclusion

On a pu voir que les préoccupations qui motivèrent les premières démarches philosophiques ont tourné en somme autour du langage, dans son usage théorique comme dans son usage politique. Les philosophes se sont en effet demandé comment il se peut que la réalité se prête à notre langage et à ses concepts uniques et stables. Cette question est double car elle se pose sous l'angle de la théorie comme sous celui de la pratique : y-a-t-il des principes qui feraient l'unité des choses du monde en dépit de leur diversité changeante (problème lié à celui de la stabilité conceptuelle requise par le langage de la connaissance) et y-a-t-il des principes qui indiqueraient un bien moral et politique en dépit de la diversité des ambitions personnelles de ceux qui en parlent?

D'après les premiers développements rapportés jusqu'à présent, la méthode philosophique peut se définir comme une activité théorique présentant quatre caractères : rationnelle (argumentée), réflexive (considérant ses propres opérations), portant sur la totalité de ce qui est (physique et métaphysique) et de ce qui doit être (morale et politique) dans le but d'en atteindre les fondements derniers.

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UCL | Droit | Mise à jour : 03.03.99 - Responsable : Thomas De Praetere

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