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I. L'origine
de la pensée philosophique II. Évolution de la problématique philosophique III. Précisions pour une définition de la philosophie IV. Philosophie et anthropologie
Si l'histoire fait à bon droit partie de l'introduction, il est particulièrement indiqué de remonter à l'origine et d'en suivre les premiers développements car c'est par rapport à eux que tout le travail ultérieur a dû se situer (I). Il sera temps de voir ensuite, au moins brièvement, comment, d'une part les problèmes traités sont demeurés présents et comment, d'autre part, les problématiques ont évolué en raison de préoccupations nouvelles en partie explicables par des conditions historiques (II). Ces quelques repères une fois posés, on s'engagera dans une première définition de la philosophie (III). Après cela, nous verrons sous quel angle, dans ce cours, nous prendrons les problèmes philosophiques en considération (IV). I. L'ORIGINE
DE LA PENSEE PHILOSOPHIQUE Entendue comme élaboration rationnelle et non seulement comme sagesse ou conception du monde, la philosophie est née au 6ème siècle avant J.C. en Grèce ou plus précisément, dans les colonies grecques d'Asie Mineure et d'Italie méridionale. Cette circonstance fait penser à certains que l'entreprise n'a de valeur que dans une culture occidentale (point de vue relativiste). Tandis que d'autres y voient du sens au-delà de ce contexte et pour n'importe qui (point de vue universaliste, qui peut être lui-même soit ethnocentrique soit cosmopolitique). 1. Avant La préhistoire de la philosophie est principalement la pensée mythique telle qu'on la trouve par exemple chez Homère (9ès) et dans la théogonie d'Hesiode (8e s.). Les mythes sont des récits qui mettent en scène des dieux et des héros dont les faits et gestes expliquent la genèse de l'univers, de la condition humaine et de la vie sociale. Ils donnent généralement la diversité de ce que nous observons pour un résultat d'actes originaires. Ces récits ont un grand pouvoir interprétatif et ils ne sont pas dépourvus de sagesse. Comme la poésie, ils donnent largement à penser. Toutefois, les interprétations avancées ne sont pas rationnelles. Les actes fondateurs ne présentent ni cohérence (les dieux ont des caprices) ni nécessité (une même cause ne produit pas toujours le même effet). Les explications sont un mélange indifférencié de faits naturels et d'actes intentionnels (les faits sont chargés d'intentions et les intentions sont "magiquement" efficaces), d'interventions humaines et d'interventions divines (anthropomorphisme). Elles ne sont pas fondées sur des arguments discutables. Il n'y a pas place pour une discussion critique sur la possibilité pour tel geste d'avoir tel effet. Certes, on peut découvrir une certaine "logique" des mythes (cf. les travaux de l'anthropologue Cl. Lévi-Strauss) mais celle-ci relève d'une réflexion d'après coup car la conscience mythique elle-même ne cherche pas à contrôler ses propres opérations. 2. Les physiologues Les premiers philosophes présocratiques sont appelés physiologues parce qu'ils ont cherché dans des principes matériels l'explication de la nature (phusis). Ce qui est nouveau, chez ces penseurs du 6ème siècle, n'est pas tant leur effort d'interpréter la diversité et le changement de toutes les choses que leur recours à des principes non décisionnels et susceptibles d'argumentation raisonnée. Des "éléments" dépersonnalisés prennent la place des divinités ancestrales. Ainsi, Thalès de Milet soutient que, dans les choses multiples, il n'y a qu'un élément premier, l'eau, parce qu'elle peut prendre toutes les formes, se présenter dans tous les états et, de surcroît, être source de vie. Anaximène présente l'air comme principe parce que, selon divers degrés combinés de densité ou de chaleur, il peut donner chacun des quatre éléments traditionnels. Pour des raisons analogues, Anaximandre, membre, comme les précédents, de l'école de Milet, tient pour élément fondamental l'indéterminé (apeiron). Ce principe est encore matériel mais il est conçu comme une matière indifférenciée contrairement aux éléments que nous avons l'habitude d'identifier. Plus élaborée est la théorie d'Héraclite d'Ephèse, qui présente le feu comme principe premier. Les choses que nous tentons de fixer par des mots sont en fait en changement continuel de même que la flamme, apparemment immobile, est un flux de particules qui se succèdent sans arrêt. Le feu est absence de repos, guerre perpétuelle. Tout s'écoule, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. La libération par rapport aux principes matériels et à leur imagerie sera atteinte par Parménide d'Elée, fondateur de l'école des éléates et reconnu par Platon comme le père de la philosophie. Il est en tout cas le premier à avoir distingué explicitement le sensible et l'intelligible, au bénéfice de ce dernier. Sa position à ce sujet est d'ailleurs radicale. L être est le seul principe et il n est pas sensible. Des choses sensibles, on peut dire qu'elles sont et ne sont pas car elles sont multiples (ceci n'est pas cela) et changeantes (ceci n'est plus cela). Or, la seule chose intelligible que l'on puisse dire, c'est : "l'être est" et "le non être n'est pas". Hors de cette vérité, on tombe dans l'opinion, domaine des compromis impossibles et de l'erreur. Mais si l'être est véritablement, alors il est éternel, immobile, immuable, indivisible, parfait. Les changements que nous offre l expérience sensible sont donc des apparences illusoires (un disciple de Parménide, Zénon d'Elée, développera des "apories", comme celle d'Achille et de la tortue, pour nier l'existence du changement). Signalons au passage, les Pythagoriciens qui ne partagent pas le monisme ontologique (unité indivise de l'être) des éléates mais bien leur méfiance pour leur sensible. Pythagore et les gens de son école s'intéressent à l'âme (immortalité et métempsychose) et aux mathématiques (le fameux théorème de Pythagore, les nombres irrationnels comme racine carrée de deux, etc). Dans la mesure où les nombres sont des "réalités" stables et non sensibles; le souci mathématique annonce la philosophie de Platon. Les pythagoriciens se sont toutefois engagés dans des spéculations mystiques et occultes qui ne sont guère philosophiques. 4. Les sophistes (5eme siècle) Les sophistes, au 5ème siècle, s'établissent à Athènes et ouvrent un nouveau champ de la philosophie : non la nature mais l'homme, et plus particulièrement le langage, la politique et la morale. Athènes, après les guerres médiques, a achevé son évolution démocratique. La participation des citoyens à la vie politique requiert l'art du discours et de l'argumentation. Ce besoin de formation discursive est rencontré par des professeurs itinérants qui se font payer leurs services. Ils sont appelés sophistes parce qu'ils prétendent détenir la clé de l'excellence (sophia). Il s'agit d'excellence au sens étroit de succès politique. L'un d'entre eux, Protagoras d'Abdère (originaire de la Bulgarie actuelle), conclut des doctrines des physiologues que, si le fond de l'être est matériel et si notre connaissance suppose la sensation, alors il est vain de rechercher une vérité stable et universelle. D'où le scepticisme et le relativisme que comporte cette phrase célèbre, rapportée par Platon : "l'homme est la mesure de toutes choses, des choses qui sont comme étant et des choses qui ne sont pas comme n'étant pas". Le relativisme est une conception selon laquelle la valeur d'un énoncé descriptif ou normatif (sa vérité ou sa justice) dépend de la situation ou des intérêts particuliers de celui qui parle (ses ambitions, son état nerveux, son système d'éducation, le climat où il vit, sa position économique, etc). Si l'on transpose ceci en morale et en politique, on obtient : est juste ce qui réussit à l'agent particulier. Un autre sophiste, Gorgias de Léontium (originaire de Sicile) se fait maître en rhétorique. Les sophistes s'adonnent en effet à l'éristique (art de discuter pour gagner). On appelle encore aujourd'hui sophisme un raisonnement qui paraît correct tout en ne l'étant pas mais qui est difficile à réfuter. Quoi qu'il en soit, les sophistes ont contribué au développement de la logique et ont obligé les philosophes à réfléchir sur la nature et la finalité du langage.
La découverte des essences en soi-même va de pair avec l'abandon des prétentions, où excellent les sophistes, de savoir ce que l'on ne sait pas. Ce double mouvement est provoqué par la méthode socratique : l'ironie. Sans prétendre savoir plus que ses interlocuteurs, mais en les harcelant de questions et de sous-questions, Socrate croit pouvoir à la fois démanteler les faux savoirs et amener à découvrir la vérité que l'on porte en soi. L'ironie ainsi comprise ("eironeia" vient de "eirotao" qui signifie j'interroge) ne plaît pas à tout le monde. Rechercher les raisons de la piété et du civisme fut tenu par beaucoup comme de l'impiété et de l'incivisme. Socrate fut accusé de corrompre la jeunesse et condamné à mort. Il refusa de fuir (par civisme) et dut boire la cigüe. On le considère aujourd'hui comme le plus illustre représentant de l'esprit philosophique. Socrate n'a rien écrit, il enseignait dans la rue. On ne le connaît qu'indirectement, surtout par Platon, qui a été son élève et s'est apparemment beaucoup inspiré de lui.
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