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II. Evolution
de la problématique philosophique II. ÉVOLUTION DE LA PROBLÉMATIQUE PHILOSOPHIQUE La philosophie ayant été caractérisée dans sa première forme à la section précédente, on peut brosser à grands traits les préoccupations qui ont marqué l'évolution de sa problématique. 1. Fin de l' Antiquité et Moyen-Age A la fin de l'Antiquité déjà, une préoccupation nouvelle est apparue, celle du rapport entre la pensée rationnelle et la foi dans la révélation divine (la Bible et la Tradition de l Eglise). Faut-il les opposer, les fusionner, subordonner la première à la seconde ou reconnaître l'autonomie de la raison? Certains estiment, comme Saint Augustin, que nous ne pouvons penser et agir bien que si nous bénéficions à chaque fois d une illumination ou d une grâce divine. La foi serait donc le terme de toute vérité et la raison seule, théorique comme pratique, serait par nature infirme. La science et la philosophie seraient tout au plus des servantes de la théologie.
Par ailleurs, le Moyen-Age chrétien a parallèlement poursuivi la réflexion antique sur le problème qui opposait le platonisme et l'aristotélisme, celui du statut des essences ou idées. Lorsque nous parlons des choses au moyen de concepts (on entend généralement par concept le sens intelligible d'un mot), est-ce qu'il y correspond quelque chose d'universel "in re" (dans la réalité des choses) ou est-ce que l'élément commun qu'il y a entre deux arbres, par exemple, se trouve uniquement dans notre esprit? Ce débat fut appelé la "querelle des universaux".
2. Temps modernes
Une forme d'humanisme,
appelée aujourd'hui "la modernité", prend appui sur cette
science nouvelle. On se rend compte que savoir, c'est pouvoir, que la
science ouvre le chemin de la technique et qu'en observant la nature
on peut la dominer. L'empiriste Francis Bacon (Angleterre,
1561-1626) écrit, au début de son Novum Organum (1620) que
"l'on ne peut vaincre la nature qu'en lui obéissant" et le
rationaliste Descartes (1596-1650), à la fin de ses
Méditations métaphysiques (1641) que la physique mathématique
nous rendra "maîtres et possesseurs de la nature". Cette attitude
anthropocentrique et conquérante est à l'origine de l'industrialisme
contemporain (contesté de nos jours par des courants dits parfois "postmodernes"). Pendant la période considérée, les philosophes sont préoccupés par la justification de la portée ontologique de la science nouvelle. Comme celle-ci est fondée à la fois sur l'expérience et sur la raison (qui impose la mathématique à l'expérience), la plupart des philosophes peuvent être rattachés à un courant empiriste ou rationaliste selon qu'ils donnent la priorité à l'une ou à l'autre de ces deux conditions de la connaissance. Les conceptions divergent sur l'intervention de la raison dans le savoir : donne-t-elle par elle seule déjà une certaine connaissance objective de base ou son rôle est-il seulement de mettre de l'ordre dans ce que l'expérience nous apprend ? Chose curieuse, dans chaque courant, on en arrive à devoir traiter le même problème : comment garantir que notre connaissance porte vraiment sur le réel, l être (portée ontologique)? Des rationalistes comme René Descartes (1596-1650), B. Spinoza (Hollande, 1632-1677) et G.W. Leibniz (Allemagne, 1646-1716) disent que notre science des choses extérieures est fondée sur certaines évidences rationnelles ou idées claires, notamment celle qui conçoit mathématiquement la nature, et que l'expérience est subordonnée, admissible, seulement si elle est conforme aux exigences de la raison. Toutefois, on peut se demander si nos idées, aussi claires soient-elles, ne seraient pas peut-être de simples modifications subjectives de notre esprit, sans corrélat réel. D'où le recours fréquent des rationalistes à un être parfait (le Dieu des philosophes) qui garantirait, d'une manière ou d'une autre, la corrélation ontologique. Des empiristes comme George Berkeley (Irlande, 1685-1753) et David Hume (Ecosse, 1711-1776) disent de leur côté que seule l'expérience peut fonder le savoir et que la raison ne joue qu'un rôle secondaire (forme logique, association, classement). Mais le problème de la portée ontologique peut fort bien se poser ici également car nos impressions sensibles pourraient, à leur tour, n'être que des modifications subjectives, sans corrélat réel. D'où le recours de Berkeley à l'intervention divine et le retrait de Hume dans le scepticisme. A la charnière des Temps modernes et des Temps contemporains, Emmanuel Kant (Allemagne, 1724-1804) trouvera une position d'équilibre dans le débat des empiristes et des rationalistes. Il concède aux uns que toute connaissance requiert l'expérience mais retient des autres que celle-ci est construite. Un objet connaissable est en effet toujours un "phénomène", c'est-à-dire un donné sensible, certes, mais un donné structuré à partir d'un certains nombre de principes a priori (non empiriques) qui sont à la fois indispensables à l'objectivité scientifique et dépourvus de valeur objective dès le moment où on quitte le domaine de l'expérience. De cette thèse découlent (cf. les prochains chapitres) d'importantes conséquences, notamment celle qu'il ne saurait être question de connaître les "choses en soi" c'est-à-dire telles qu'elles sont indépendamment de notre manière de les aborder. Pour Kant, la philosophie doit renoncer à tout contenu de connaissance qui lui serait spécifique et se tenir dans une fonction essentiellement critique. 3. Temps contemporains On peut synthétiser la plupart des préoccupations philosophiques de l'époque contemporaine autour de deux thèmes. Il y a d'une part celui des rapports entre histoire et existence personnelle. Les conséquences de la révolution française, l'essor scientifique et industriel ainsi que les tensions sociales engendrées par l'économie capitaliste ont provoqué des tentatives de comprendre, voire de gérer l'histoire. Des philosophes comme G.W.F. Hegel (Allemagne, 1770-1831) et Karl Marx (1818-1883) s'attachent à penser ce qui constitue l'enjeu fondamental des mouvements historiques. Ces interprétations globales du devenir humain ont suscité des réactions. Des philosophes comme Sören Kierkegaard (Danemark, 1813-1855) et Frédéric Nietzsche (1844-1900) ou, plus près de nous, les existentialistes s'opposent à l'historicisme au nom de la liberté individuelle, source exclusive de signification et de valeurs. ________________________________________________ |
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