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CHAPITRE I c
INTRODUCTION HISTORIQUE

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II. Evolution de la problématique philosophique
        1. Moyen-Âge
        2. Temps modernes
        3. Temps contemporains


II. ÉVOLUTION DE LA PROBLÉMATIQUE PHILOSOPHIQUE

La philosophie ayant été caractérisée dans sa première forme à la section précédente, on peut brosser à grands traits les préoccupations qui ont marqué l'évolution de sa problématique.


1. Fin de l' Antiquité et Moyen-Age

A la fin de l'Antiquité déjà, une préoccupation nouvelle est apparue, celle du rapport entre la pensée rationnelle et la foi dans la révélation divine (la Bible et la Tradition de l Eglise). Faut-il les opposer, les fusionner, subordonner la première à la seconde ou reconnaître l'autonomie de la raison? Certains estiment, comme Saint Augustin, que nous ne pouvons penser et agir bien que si nous bénéficions à chaque fois d une illumination ou d une grâce divine. La foi serait donc le terme de toute vérité et la raison seule, théorique comme pratique, serait par nature infirme. La science et la philosophie seraient tout au plus des servantes de la théologie.

Saint Thomas d'Aquin (XIIIe siècle)Au 13ème siècle, Saint Thomas d Aquin trouve une position d équilibre dans le rapport foi-raison en restaurant la confiance antique dans l autonomie de cette dernière. Ceci est lié à la prise au sérieux de l idée de création comme véritable don. Certes, la créature dépend de Dieu, à tout moment, pour ce qui est de son existence (le fait qu elle soit). Mais son essence, une fois donnée dans l acte de création, est donnée pour de bon, avec toute l autonomie que cela implique, notamment pour l usage de noter raison. L homme peut et doit faire usage de sa liberté et il est capable par lui-même de penser vrai et d agir bien (comme d ailleurs de se tromper et de mal faire). La création n est pas la participation neo-platonicienne. Ce n est pas parce que certaines vérités ne sont accessibles que par la foi en la révélation (par exemple la divinité de Jésus-Christ) que nous devons renoncer à employer librement notre raison au maximum, non seulement dans le domaine des sciences mais aussi dans celui de la philosophie, y compris dans les questions qui relèvent simultanément de la foi et de la raison (comme par exemple la question de l existence d un être infini).

Par ailleurs, le Moyen-Age chrétien a parallèlement poursuivi la réflexion antique sur le problème qui opposait le platonisme et l'aristotélisme, celui du statut des essences ou idées. Lorsque nous parlons des choses au moyen de concepts (on entend généralement par concept le sens intelligible d'un mot), est-ce qu'il y correspond quelque chose d'universel "in re" (dans la réalité des choses) ou est-ce que l'élément commun qu'il y a entre deux arbres, par exemple, se trouve uniquement dans notre esprit? Ce débat fut appelé la "querelle des universaux".

Cest nous qui donnons un nom aux chosesUne position radicale, le nominalisme, fut soutenue à ce propos par Guillaume d'Occam au 14ème siècle: il n'y a rien de commun dans les choses, seules existent des réalités singulières absolues, le nom commun n'est à la limite qu'un "flatus vocis" que nos asssocions aux diverses choses de façon purement volontaire et conventionnelle. Cette position rétive aux essences a préparé la voie à l'avènement d'une science plus quantitative que qualitative, c'est-à-dire s'intéressant davantage à la mesure des phénomènes qu'à leur essence. Dans le domaine pratique, cette position a favorisé le positivisme juridique, selon lequel la valeur des règles du droit positif ne dépend pas du fait qu'elles respectent la vraie nature de l'homme, son essence, mais résulte seulement de la volonté de l'autorité qui est habilitée à "poser" les règles du droit positif (cette conception persiste à l'époque contemporaine, par exemple, dans le formalisme juridique du théoricien allemand du droit Hans Kelsen). Ceci s'oppose à la théorie du "droit naturel", déjà présente chez Saint Thomas (et présente encore de nos jours dans la philosophie des "droits de l'homme"), selon laquelle la valeur d'une norme positive est subordonnée au respect de principes moraux rationnels qui lui sont supérieurs car découlant de la vraie nature de l'homme.


2. Temps modernes

On assiste à la formation des sciences de la nature Avec les Temps modernes, les préoccupations philosophiques se tournent vers les sciences car, depuis la Renaissance, on assiste à la formation progressive de la science moderne. Celle-ci prend son indépendance par rapport à la tradition, qu'il s'agisse de la tradition religieuse, comme on le voit chez Copernic qui, au 16ème siècle, passe du géocentrisme à l'héliocentrisme, ou de la tradition scientifique elle-même, comme on le voit chez Kepler et Galilée qui, au début du 17ème, rejettent la physique aristotélicienne. Ce rejet est significatif. Alors que, dans l'Antiquité, tout savoir était appelé philosophie, la science de la nature se détache maintenant du tronc commun, trouve sa méthode propre et devient autonome. La méthode aristotélicienne était qualitative et visait, par observation et abstraction à discerner l'essence dans les choses. On pratique maintenant l'observation quantitative, ce qui permet d'appliquer la mathématique à l'expérience (Newton rédigera, en 1686 un ouvrage intitulé : Philosophiae naturalis principia mathematica). La science ne fait donc pas que se soumettre à la nature, elle lui applique sa grille de lecture. Encore moins se met-elle à l écoute des signes que Dieu nous envoie par elle. On assiste à un " désenchantement du monde " et à un " arraisonnement " qui découlent de la méthode mise en Suvre par la science.

Une forme d'humanisme, appelée aujourd'hui "la modernité", prend appui sur cette science nouvelle. On se rend compte que savoir, c'est pouvoir, que la science ouvre le chemin de la technique et qu'en observant la nature on peut la dominer. L'empiriste Francis Bacon (Angleterre, 1561-1626) écrit, au début de son Novum Organum (1620) que "l'on ne peut vaincre la nature qu'en lui obéissant" et le rationaliste Descartes (1596-1650), à la fin de ses Méditations métaphysiques (1641) que la physique mathématique nous rendra "maîtres et possesseurs de la nature". Cette attitude anthropocentrique et conquérante est à l'origine de l'industrialisme contemporain (contesté de nos jours par des courants dits parfois "postmodernes").

 

Pendant la période considérée, les philosophes sont préoccupés par la justification de la portée ontologique de la science nouvelle. Comme celle-ci est fondée à la fois sur l'expérience et sur la raison (qui impose la mathématique à l'expérience), la plupart des philosophes peuvent être rattachés à un courant empiriste ou rationaliste selon qu'ils donnent la priorité à l'une ou à l'autre de ces deux conditions de la connaissance. Les conceptions divergent sur l'intervention de la raison dans le savoir : donne-t-elle par elle seule déjà une certaine connaissance objective de base ou son rôle est-il seulement de mettre de l'ordre dans ce que l'expérience nous apprend ? Chose curieuse, dans chaque courant, on en arrive à devoir traiter le même problème : comment garantir que notre connaissance porte vraiment sur le réel, l être (portée ontologique)? Des rationalistes comme René Descartes (1596-1650), B. Spinoza (Hollande, 1632-1677) et G.W. Leibniz (Allemagne, 1646-1716) disent que notre science des choses extérieures est fondée sur certaines évidences rationnelles ou idées claires, notamment celle qui conçoit mathématiquement la nature, et que l'expérience est subordonnée, admissible, seulement si elle est conforme aux exigences de la raison. Toutefois, on peut se demander si nos idées, aussi claires soient-elles, ne seraient pas peut-être de simples modifications  subjectives de notre esprit, sans corrélat réel. D'où le recours fréquent des rationalistes à un être parfait (le Dieu des philosophes) qui garantirait, d'une manière ou d'une autre, la corrélation ontologique. Des empiristes comme George Berkeley (Irlande, 1685-1753) et David Hume (Ecosse, 1711-1776) disent de leur côté que seule l'expérience peut fonder le savoir et que la raison ne joue qu'un rôle secondaire (forme logique, association, classement). Mais le problème de la portée ontologique peut fort bien se poser ici également car nos impressions sensibles pourraient, à leur tour, n'être que des modifications subjectives, sans corrélat réel. D'où le recours de Berkeley à l'intervention divine et le retrait de Hume dans le scepticisme.

A la charnière des Temps modernes et des Temps contemporains, Emmanuel Kant (Allemagne, 1724-1804) trouvera une position d'équilibre dans le débat des empiristes et des rationalistes. Il concède aux uns que toute connaissance requiert l'expérience mais retient des autres que celle-ci est construite. Un objet connaissable est en effet toujours un "phénomène", c'est-à-dire un donné sensible, certes, mais un donné structuré à partir d'un certains nombre de principes a priori (non empiriques) qui sont à la fois indispensables à l'objectivité scientifique et dépourvus de valeur objective dès le moment où on quitte le domaine de l'expérience. De cette thèse découlent (cf. les prochains chapitres) d'importantes conséquences, notamment celle qu'il ne saurait être question de connaître les "choses en soi" c'est-à-dire telles qu'elles sont indépendamment de notre manière de les aborder. Pour Kant, la philosophie doit renoncer à tout contenu de connaissance qui lui serait spécifique et se tenir dans une fonction essentiellement critique.


3. Temps contemporains

On peut synthétiser la plupart des préoccupations philosophiques de l'époque contemporaine autour de deux thèmes.

Il y a d'une part celui des rapports entre histoire et existence personnelle. Les conséquences de la révolution française, l'essor scientifique et industriel ainsi que les tensions sociales engendrées par l'économie capitaliste ont provoqué des tentatives de comprendre, voire de gérer l'histoire. Des philosophes comme G.W.F. Hegel (Allemagne, 1770-1831) et Karl Marx (1818-1883) s'attachent à penser ce qui constitue l'enjeu fondamental des mouvements historiques. Ces interprétations globales du devenir humain ont suscité des réactions. Des philosophes comme Sören Kierkegaard (Danemark, 1813-1855) et Frédéric Nietzsche (1844-1900) ou, plus près de nous, les existentialistes s'opposent à l'historicisme au nom de la liberté individuelle, source exclusive de signification et de valeurs.

Application à l'homme des méthodes quantitativesD'autre part, le problème de la science mobilise à nouveau les philosophes avec l'apparition des sciences humaines. La sociologie et la psychologie naissent en tant que sciences empiriques au 19ème s. Elles étendent aux choses humaines les méthodes quantitatives qui ont fait le succès des sciences de la nature. Ceci a occasionné une dérive scientiste, par exemple chez Auguste Comte (1798-1857). Le scientisme consiste en une réduction de l'homme à ce que la science peut en dire, et donc en une négation de sa dignité de sujet et de son autonomie morale. Des philosophes comme Henri Bergson (1859-1941) et Edmund Husserl (1859-1938) ont entrepris de faire la part des choses en resituant les résultats des sciences humaines dans le cadre plus fondamental d'une expérience vécue que la science objective présuppose mais ne saurait expliquer.

Ces quelques données sur la période contemporaine sont très sommaires et on en trouvera davantage dans les chapitres suivants.

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UCL | Droit | Mise à jour : 03.03.99 - Responsable : Thomas De Praetere

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